"un petit mot sur mon blog"


"un petit mot sur mon blog"

Psyblog a posé son stylo le 5 juin dernier. Il est parti "ailleurs", pour une autre vie plus sereine et lumineuse.
Ce blog était pour lui une belle aventure d'écriture, de réflexion, d'émotion et de partage. Les commentaires de ses nombreux lecteurs en sont un témoignage chaleureux. Vos derniers mots tout particulièrement...
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lundi 17 octobre 2011

Pas d'urgence en psychologie



Il est de coutume de penser et de dire qu'il n'y a pas d'urgence en psychologie. En psychiatrie oui, mais pas en psychologie. Pas d'urgence.
Et pourtant !
Lorsqu'à 17h30, ce jeudi de repos un papa m'appelle en me disant que sa fille-ado menace de se jeter par la fenêtre et que la seule personne à qui elle veut parler avant de ne pas sauter (ou pas) est... le psy qui la "suit" depuis quelques mois, je mesure qu'il y a urgence. Alors, en jean et tee-shirt, comme je suis lors d'un jour de congé, je pars... en urgence.
IL n'y a pas d'urgence en psychologie, mais là il y a urgence. Une jeune fille de 15 ans que je connais bien menace de sauter de la fenêtre et la seule personne à qui elle veut parler, c'est moi.
Que faire ? Que dire ? Pas de téléphone possible. Elle veut me parler à moi en direct, en vrai, elle devant moi et moi devant elle. A côté d'elle !
Tu te dis, là, en tant que psy, que tu n'es pas payé pour de l'urgence, tu te dis que c'est la première soirée que tu vas passer avec ta femme depuis plusieurs jours, tu te dis que bordel je l'ai rencontrée hier et que ça aurait dû aller jusqu'à la semaine prochaine, tu te dis que tu n'es pas responsable de la vie des gens et des gens de la Terre entière, tu te dis que bordel-encore si une fois dans la semaine tu peux passer une soirée avec ta femme c'est quand même bien, tu te dis qu'elle attend cette soirée aussi, et ... qu'il n'y a pas d'urgence en psychologie...
Sauf que même en psychologie il y a des urgences. Sauf qu'en tant que psy tu t'attaches, sauf que en tant que homme tu t'attaches, sauf que quand une jeune fille dit à ses parents Appelez le psy ou je saute eh bien ça devient sérieux, et que quand un parent t'appelle pour te dire ça, eh bien tu ne réfléchis pas très longtemps.
Alors, en pleine préparation d'un super-repas d'amoureux, je suis parti. Après avoir griffonné sur la table un Je ne serai pas là avant je ne sais quelle heure, désolé, urgence au cabinet... je suis parti. 60 km pour rencontrer cette jeune fille en mal de psy, en mal de relation, en mal de je ne sais pas encore bien quoi. Ce que je comprenais, c'est qu'elle était mal. Mal de je ne sais pas vraiment quoi. Mal de vivre. Envie de dire très fort à ses parents son mal. Envie qu'ils sachent à quel point elle allait mal.
Après une heure de discussion, un message de ma femme sur mon tel portable : "OK bon courage bisou". Je lui ai dit -à cette jeune fille- que j'allais m'absenter quelques minutes pour dire à ma femme que je serais sans doute en retard pour le diner -tu parles ! 20h30 à 60 bornes !
Et ça ça l'a fait réagir.
Elle m'a regardé, s'est retournée, m'a parlé du haut de la fenêtre. Je lui ai proposé qu'on aille "en" parler "chez moi", enfin dans mon cabinet, comme en terrain neutre. Elle a accepté, et s'est dite, vidée, a parlé, parlé, parlé... Finalement on n'est pas allé dans mon cabinet... On est resté chez elle. Vous êtes marié ? / Oui,depuis quelques mois / A votre âge, que depuis quelques mois ? / Oui / Parce que vous n'étiez pas sûr de l'aimer ? / Si ! J'étais certain de l'aimer / Alors pourquoi avoir attendu ? Vous devez bien avoir 50 ans (gentille; la jeune fille, "faire" 50 ans -rire !) / Je n'ai pas attendu, nous avons attendu / Pourquoi ? / Le mariage est une étape, peut-être seulement une étape / Oui mais moi je l'aime / Tu l'aimes ? /..............
Et voilà que le problème, enfin, l"un des "problèmes" de cette jeune fille est qu'elle aime un garçon et qu'il lui est impossible de le dire à ses parents ! La seule manière de le leur dire a été ce soir de ... d'en faire un "événement" !
Il est 22 h 30. Je viens de quitter cette jeune fille. Elle est apaisée. Du moins elle le dit et elle le semble. Un peu apaisée !. Elle n'a pas sauté par la fenêtre, c'est déjà ça de gagné.
Il n'y a pas d'urgence en psychologie. C'est ce que l'on apprend en Fac. Sauf que ! Sauf que lorsqu'une jeune fille veut ne parler qu'à SON psy sur le bord d'une fenêtre, même à 18 heures, il peut y avoir urgence... Et je vais vous dire, là une heure après la fin de cette "urgence", je ne regrette rien . Sauf peut-être de n'avoir pas passé la soirée avec ma femme !

Nous nous reverrons, dans mon cabinet, la semaine prochaine. En attendant, si ça va TRÈS mal, elle ira aux urgences de l'hôpital..... Être psy "de campagne", c'est prendre soin non seulement de ses patients, mais d'une communauté toute entière. Enfin ! C'est comme cela que parfois je le vis. Et tout comme c'est le cas pour un médecin, il y a parfois des urgences.

10 commentaires:

  1. J'ai beau connaître pas mal de psys, je n'ai jamais envisagé (ni ouï dire) que de tels cas d'urgence puisse se produire...
    merci pour ce témoignage.
    fany

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  2. Métier très technique. Avais-tu un gyropsy criant psy-psy !psy psy ! ainsi qu'une échelle sur le toît de ton véhicule pour accéder à la fenêtre ? A moins que ce soit une fenêtre au r.d.c. auqul cas un escabeau sera suffisant mais fais attention à ne pas tomber et demande à la petite de t'aider à le caler.

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  3. C'est vrai que sur la plateforme psychologies, les commentaires de youn devaient te manquer ;) Des bises

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  4. Ben oui... de toute façon, sur la plate-forme de psycho.com, il ne se passe plus rien, tellement c'est le bazar

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  5. Pour ma part, je suis en fait surprise que l'on enseigne qu'il n'y a pas d'urgence en psychologie.

    Cela laisserait presque sous-entendre que les cas de dépression ou de détresse par exemple relèveraient alors de la psychiatrie et non de la psychologie ou de la psychanalyse ! Curieux !

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  6. DE fait le plus souvent l'urgence relève de la psychiatrie ou de l’hôpital général... En situation d'urgence (scénario suicidaire, alcoolisation majeure, violence, délire, etc) le psychologue se trouve bien démuni et la première "urgence" est de protéger la personne, souvent par contention physique ou médicamenteuse.

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  7. donc la souffrance psychique ( sans aller necessairement jusqu'au suicide )ne merite pas une aide urgente? des douleurs aux ventres, aux dents et autres douleurs physiques oui .... bon
    les premieres me font souvent bien plus mal

    heureusment qu'il y a des psys comme toi et le mien aussi et en cas d'urgence je sais que je peux appeler et ca c'est precieux de savoir - je ne l'ai jamais fait en dehors des heures de consulatations

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  8. J'aime bien la manière dont cette jeune fille a d'abord posé des questions détournées sur votre situation amoureuse (êtes-vous marié ? Etc.) avant de se livrer sur son propre problème amoureux. J'ai trouvé ça mignon :)

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