L'une de mes grandes amies internautes a laissé sur son profil fa*ceb*ook la phrase suivante : "Nous sommes comme des livres .. La plupart des gens ne voient que notre couverture .. Au mieux ils lisent notre résumé .. Ou bien se fient à la critique que d'autres en font .. Mais ce qui est certain c'est que très peu d'entre eux connaissent vraiment mon histoire..."
Son histoire à elle est son histoire. Sans doute regrette-t-elle de ne pas être comprise dans son histoire à elle, là n'est pas le sujet de mon article, mais cette phrase / citation m'interpelle. Au demeurant, après avoir pourtant longuement fouillé sur le net, je n'ai pas trouvé de qui était cette jolie phrase...
Je retiens que si nous sommes comme des livres, et que la plupart des "gens" ne voient que notre couverture, voire lisent notre résumé, mais que beaucoup n'ouvrent ni ne lisent le livre.
Alors "on" juge. "On" pense, "on" pense et souvent "on" juge. D'autant plus si la vie, celle que l'on mène, ou celle de nos enfants, celle qu'ils mènent, est ... différente, condamnable, différente surtout.
"On" lit la couverture, mais "on" ne lit pas le livre !
Savoir "tout" sur les gens que l'on fréquente serait bien sûr une illusion. Mais c'est une illusion qui nous fait souvent penser et juger. Si cet enfant est ainsi, c'est bien la "faute" de ses parents. Si cette personne se conduit ainsi c'est bien de sa faute (je pense à l'instant où j'écris, à cette scène "épouvantable" vue dans le film d'hier soir, où la femme atteinte de la maladie d’Alzheimer se fait alpaguer par des vigiles qui ne pensent pas un seul instant qu'elle puisse être malade et pas voleuse).
L'illusion, l'habitude, les conventions, les habitudes de pensées... font que l'on prend souvent pour acquis la première ou la quatrième de couverture. Acquis ! Sans aller voir plus loin ce qu'il y a à l'intérieur, sans ouvrir la moindre page du livre.
C'est ainsi que parfois l'on rencontre des gens que nous jugeons inaptes à une véritable relation; c'est ainsi que nous sommes étonnés à la réaction de l'autre (comment comprendre, en "boîte", qu'une jeune fille pourtant présente refuse toute approche masculine si l'on n'a pas la clé de son "livre" : avoir été violée ! (par exemple).
Il est illusoire de vouloir tout lire en l'autre, de savoir tout de l'autre, d'avoir lu tout le livre de sa vie, celle de l'autre (déjà celui de soi est compliqué, alors celui -le livre- de l'autre !). Mais cela semble assez communément admis. Ce qui le semble moins, c'est de penser connaitre à ce point l'autre sans l'avoir "lu".
Les livres des autres nous sont effectivement le plus souvent inconnus. On se contente le plus souvent de la première ou de la quatrième de couverture. Et penser / juger à partir du résumé est une abomination. Qui se joue cependant tous les jours. "On" a entendu dire. "On" sait bien que les jeunes sont tous des prédateurs en puissance. "On" sait bien que un jeune-auto-stopeur-sur-le-bord-de-la-route peut être dangereux, "on" sait bien que cette "nana"-là est "coincée", "on" sait bien que les arabes, les juifs, les noirs, les jeunes, les vieux, les américains, les asiatiques, les jeunes femmes, les vieilles, les hommes... sont tous "comme ça !
Lorsque pour la première fois je suis allé voir mon fils en prison, la personne accueillante de l'association "La maison bleue" m'a dit Vous savez, il y a des gens très bien en prison, j'ai été à la fois soulagé et révolté. Mais bien sûr qu'il y a des gens bien en prison ! Ça tombe sous le sens ! (On peut être un gens bien et faire une connerie condamnable). Et pourtant bien des gens s'offrent le luxe ou la légèreté de penser avec raison (avec toutes leurs raisons) que la condamnation est de mise pour "certaines" personnes venant d'un "certain" milieu..
Des parents parents d'un fils schizophrène sont ainsi accusés d'avoir "schizophréné" leur enfant. Des parents parents d'enfants instables ou irritables ou je ne sais encore se trouvent accusés de fabriquer ce genre d'enfant. Des parents, des gens, tout simplement, sont accusés avec méfiance, parfois même avec méchanceté, quant à leurs comportements...
Je n'excuse aucun comportement déviant ou maltraitant. Je tente seulement d'expliquer et de comprendre. Lorsqu'on ne lit que la couverture d'un livre, lorsque même si on en lit le résumé, on peut penser qu'on connait le livre. Mais c'est une illusion. Seulement une illusion. Seule la lecture du livre en entier peut permettre de le connaitre. Au moins un peu !
Parfois on entend dire Mais c'est la première impression qui est la bonne. Non, ça ne suffit pas. La couverture et le résumé peuvent seulement attirer ou repousser, donner envie de lire ou non. Mais ne suffit pas pour juger et encore moins donner un avis. Et c'est pareil avec les gens. La première impression peut être la bonne, mais peut ne pas l'être. Et en aucun cas l'on peut dire que l'on connait l'autre seulement sur une impression. Et même après avoir lu une partie du livre de l'autre !
Les vieux disent d'ailleurs parfois qu'ils ne se connaissent pas encore tout à fait. (Peut-être est-ce d'ailleurs là l'un des secrets des vieux couples : Avoir encore à découvrir chez l'autre. Comme si avoir lu une grande partie du livre donnait encore envie d'en lire davantage).
L'idée que nous soyons "comme des livres" me plait bien. Un livre, ça se regarde, ça se touche, ça se feuillette, ça se lit, rapidement ou pas. Un livre, ça se sent, ça se découvre, ça se garde -ou ça se jette-, ça se range sur une étagère ou se pose sur la table bien en évidence, de salon ou de nuit. Et puis un livre, c'est comme un "autre", ça se désire.
Le désir d'une rencontre, de la rencontre avec l'autre, dépend certes peut-être de la couverture ou du résumé, mais surtout du désir qu'on peut avoir de la faire, cette rencontre. De la liberté que l'on se donne de la vivre. Et sans doute n'est-ce qu'après avoir commencé à lire l'autre, enfin, le livre, que l'on peut dire qu'on le connait. Au moins un peu !
Ma petite sœur (coucou petite sœur si tu me lis) m'a donné un jour une grande leçon "de vie", en écrivant qu'il ne fallait jamais juger (elle travaille en maison de retraite) les gens, qu'on ne pouvait pas imaginer ce que vivaient les familles, et surtout pas juger, en ce qui concerne certain aspect de son travail, les familles-qui-ne-venaient-jamais-voir-leur-vieux. On est tellement là parfois dans la seule lecture de la première de couverture !
J'ai rencontré hier-même un couple de parents défaits, défaits par la condamnation de l'enseignante de leur fils, un papa meurtri par les paroles de cette dernière, du style Si votre fils n'apprend rien à l'école c'est de votre faute. Zou ! Première de couverture sur la table. Pas de lecture du résumé. Et surtout pas de lecture même de quelques chapitres. L'enseignante n'était pas au courant : La sœur ainée de cet enfant est décédée début aout dans un accident de voiture, ce que les parents avaient "cachés", pris dans leur douleur et souhaitant (ne leur en jetons pas la pierre) vivre "normalement".
C'est aussi là bien sûr une autre facette du livre de notre vie : Le donne-t-on à lire ou pas ? Permettons-nous aux autres, éventuels lecteurs, de nous lire au moins un peu ? Donne-t-on -ou gardons-nous- les quelques clés qui permettent aux autres de nous lire et de nous comprendre ? Décidément, ce parallèle entre humain et livre me plait bien !