"un petit mot sur mon blog"


"un petit mot sur mon blog"

Psyblog a posé son stylo le 5 juin dernier. Il est parti "ailleurs", pour une autre vie plus sereine et lumineuse.
Ce blog était pour lui une belle aventure d'écriture, de réflexion, d'émotion et de partage. Les commentaires de ses nombreux lecteurs en sont un témoignage chaleureux. Vos derniers mots tout particulièrement...
Continuez à le lire ou à le relire pour sa plus grande joie ailleurs...

dimanche 30 octobre 2011

Comment reconnaitre l'amour de l'amitié ?



" Laissons face à face deux personnes nues de sexe opposé dans une chambre tendue de velours rouge, avec des glaces au plafond, de la moquette angora par terre, du champagne avec un seau d'argent et du blues en sourdine.
Si au bout d'un quart d'heure une des deux personnes s'exclame : "C'est con. Si on serait trois on pourrait faire une belote", on ne peut pas parler d'amour. C'est l'amitié.
En revanche, laissons côte à côte deux éboueurs à l'arrière d'une benne à ordures à six heures du matin. Si au bout d'un quart d'heure l'un des deux éboueurs regarde l'autre avec intensité en disant : "Ça m'excite de vider les poubelles auprès de vous", on ne peut pas parler d'amitié. C'est l'amour."


Pierre Desproges, extrait de "Desproges", de François Rollin, éditions Points, mars 2008

samedi 29 octobre 2011

Rumeurs, vous avez dit rumeur ?



La rumeur, c'est juste un truc terrible. Sur une parole, sur un Je crois que, j'ai entendu dire que, il parait que...se construit des certitudes parfois épouvantables et surtout épouvantables pour celui qui en est l'objet (j'allais écrire "le sujet" mais ça ne colle pas -on n'est jamais le sujet d'une rumeur !).
La rumeur est une trainée de poudre qui ne demande qu'une étincelle pour s'allumer.
Lors de mes études, nous avons travaillé sur la rumeur. et nous avons tenté une expérience : Dire quelque chose de "faux" très fort à l'autre bout de la France (Marseille pour ne pas nommer) et "voir" combien de temps il fallait pour que ça remonte sur Angers, lieu de mes études. Je ne me rappelle plus le sujet de cette rumeur transmise à un habitant inconnu de Mareseille, je ne sais plus. Ce dont je me rappelle, c'est que c'était un truc impensable, du genre (1976) Il parait que le prix de la pilule contraceptive va quadrupler. Quatre jours. Quatre jours seulement il a fallu pour que cette rumeur lancée au hasard à Un habitant de Mareseille parvienne jusqu'à Angers (pour les moins de 20 ans, je précise : pas de tel portable, pas d'ordinateur, pas d'internet bien sûr, peu, rareté même du téléphone... Bon, les routes étaient goudronnées, quand même, et la télévision existait déjà !) Mais quatre jours seulement pour qu'une rumeur banale mais impossible parvienne à 1000 km de là.
C'est le propre de la rumeur : Plus l'information qu'elle véhicule est impossible à penser, plus elle circule rapidement. Plus elle est folle plus elle est solide.
Fut un temps (concerné j'étais puisque géographiquement très proche) où l'on a soupçonné qu'un président de la République avait une maitresse dans mon village. Fut un temps où l'on a accusé un homme de mon entourage de venir voir sa maitresse chaque nuit... à 400 km de chez lui pendant que sa femme travaillait. Fut un temps où l'on a soupçonné les boutiques de vêtements d'Orléans d'avoir aménagé des trappes dans les cabines d'essayage pour enlever les femmes et les expédier au Moyen-Orient dans des harems (La fameuse rumeur d'Orléans)... 
 
Les rumeurs ont cette particularité d'être incontrôlables car aussi détenues par un nombre incalculable de personnes... et que la rumeur est toujours l'objet d'un voyeurisme qui ne dit pas son nom... Et qu'il est quasiment impossible de les faire taire, sauf à ne pas y prêter attention. Et c'est là que le piège se referme sur le sujet, la personne objet de la rumeur : S'il se défend, c'est sans doute qu'il est coupable, s'il ne se défend pas, c'est qu'il est coupable aussi. Comme on dit : Il n'y a pas de fumée sans feu. Sauf que parfois le feu a été allumé volontairement.
On se rappelle tous (Oui, pas les moins de 20 ans), de cette rumeur "accusant" Isabelle Adjani d'être sida-séropositive, et de la difficulté qu'elle a eu à démentir cela, même en passant sur tous les journaux télévisés de l'époque. (Voir ici).

J'ai rencontré cet après-midi en consultation un homme détruit, cassé, meurtri par une rumeur, d'autant plus vive que ça se passe dans un tout petit village : Il aurait attiré chez lui des jeunes filles, les auraient violées. Plainte, jugement, condamnation, puis retrait de la condamnation après.... quatre ans de prison, sur demande d'une jeune fille avouant qu'elle avait tout inventé... "pour faire son intéressante" a-t-elle dit au juge... Ouah !!! Si même la Justice avec un grand J donne consistance aux rumeurs, c'est grave.

Certaines professions sont plus exposées que d'autres. Ainsi les éducateurs, les animateurs, les médecins, les prêtres, les ceux-qui-ont-du-pouvoir ou simplement du charisme, par statut ou par personnalité, les psys aussi, bien sûr. Si dans ma propre ville un psy a été condamné pour attouchements sexuels sur certaines de ses patientes, cela reste une exception et ce n'était pas une rumeur. Mais je me suis toujours demandé comment je réagirais si un jour quelqu'un faisait courir une rumeur sur moi. Mal, je crois, tant il est difficile de mettre fin à une rumeur. Simplement parce qu'elle est irrationnelle, émotionnelle... et si apte à détruire les personnes que l'on envie ou celles dont on a peur.

lundi 24 octobre 2011

La "bonne" distance



Edward Hall, dans son livre "La dimension cachée", développait les notions de bulle et de distance, celle-là même qui agence les relations entre les personnes, qui définit culturellement et au sens propre la distance qui doit exister entre les personnes pour que la relation soit exempte de peur et de sentiment d'intrusion.
Ainsi nous tenons-nous "à une certaine distance" de l'autre, que ce soit dans un magasin, dans un bureau ou même dans la sphère privée. Il y a des "exceptions", bien entendu, qui nous font "supporter" le contact physique dans une file d'attente ou dans le bus, qui nous permettent de supporter la chaleur de l'autre en s'asseyant sur un siège de WC -encore chaud- après une autre personne, mais ces exceptions ne sont pas toujours bien vécues. Existent aussi les exceptions de la sphère sexuelle et amoureuse. Le "ne faire qu'un" n'est pas qu'une image.

Ma pensée de ce soir ne concerne pas les "bulles" physiques, mais les "bulles psychiques, celles liées à l'affection. Elle concerne l'amour, bien sûr, mais aussi l'amitié et tous les sentiments d'affection que l'on peut décliner, avec cette question fondamentale du "trop", du "peut-être trop", du harcèlement, même. A partir de quand ? de quoi ? de où ? la distance -ou le peu de distance- est-elle acceptable et acceptée ?
Exemple, parce qu'il faut bien donner un ou des exemples : Vous aimez, vous êtes "attiré par", vous "avez envie de...", vous rencontrez un ou une autre et... enfin, vous avez envie et vous ne savez pas si l'autre a le même désir que vous. En amour comme en amitié, cela est très fréquent : J'ai envie de l'appeler mais je ne sais pas si lui a envie que je l'appelle. Je ne sais pas si il ou elle m'attend autant que je l'attends. Est-ce que j'impose mon désir à l'autre ? On peut aller jusqu'au harcèlement, avec ces histoires. Si je lui envoie trois SMS par jour, va-t-il bien ou mal le prendre ? Et s'il me répond, est-ce par lassitude ou par désir ? Lui-dis-je que je suis disponible , que je suis sur msn, que ... Enfin, vous avez compris : Comment savoir si l'autre est aussi proche et a le désir d'être aussi proche de moi que j'ai le désir d'être proche de lui ?

On est bien entendu ici au cœur de l'existence-même des personnes. Exister pour l'autre ! Exister tout court ! S'assurer de sa propre existence pour l'autre.
IL est un exercice difficile pour chacun de nous (sauf pour les pervers, qui ne se posent pas la question) : Aller vers l'autre et ne pas pour autant s'imposer à lui. Au risque de harcèlement. Au risque aussi de le perdre . Quand on aime, on aime en général savoir si l'autre nous aime aussi. Suis-je "harceleur" en criant que j'ai besoin, voire envie de l'autre ? L'autre attend-il autant de moi que j'attends de lui ? Ne suis-je pas "lourd" en insistant ? Rentré-je trop dans sa bulle au risque de lui faire peur, au risque de l'indisposer ?
C'est un questionnement légitime, de se demander si l'on n'en fait pas trop, si l' "autre" est sur la même longueur d'onde, de se demander si l'on entre pas trop dans sa bulle...
C'est arrivé une fois dans ma vie... Nous avions diné ensemble, elle et moi... Je l'avais raccompagnée chez elle, et au moment où elle est descendue de la voiture, j'ai failli lui dire que j'aimerais encore passer un moment avec elle, voire dormir avec elle, et plus si affinité... Mais entrer ainsi dans sa bulle, je n'ai pas osé. Ce n'est que quelques années plus tard qu'elle m'a dit que ce soir-là elle n'avait pas osé entrer dans ma bulle à moi, qu'elle n'avait pas osé me demander de monter chez elle... Distance inconnue entre le désir de l'un et celui de l'autre. La bonne distance à trouver.

Certaines distances (au sens physique du terme) sont bien codifiées. Le respect de celles-ci fait même partie du protocole très strict des rencontres... en politique -au sens large-, par exemple. Le "savoir-vivre" dicte lui aussi ses règles en matière de distance à respecter entre telle et telle personne dans telle ou telle situation. Mais dans les relations privées, celles du commencement d'une histoire amoureuse ou celles de l'amitié-camaraderie-voisinage par exemple elles le sont beaucoup moins. Et cela complique parfois les choses, même si certainement cela les rends aussi plus ... passionnantes.
Les malentendus sont fréquents entre les personnes à ce sujet. Entre le Tu ne m'appelles jamais et le Tu me gonfles avec tes appels à répétition, les couples nouvellement amoureux et même les plus vieux sont parfois sujets à bien des tourments concernant... la "distance". L'équilibre entre le trop et le trop peu n'est pas facile à trouver.
Le couple qui sort de mon cabinet à l'instant me dit Ça fait 17 ans que l'on vit ensemble et on est tout le temps ensemble, au jardin comme dans l'atelier, dans la cuisine comme dans le salon, on ne se quitte pas d'une semelle. Ce couple a raccourci les distances au maximum : même travail, mêmes horaires, mêmes amis... à tel point que madame a eu de la peine à imaginer venir consulter seule et monsieur de la peine à imaginer attendre dans la salle d'attente. C'est ainsi. Moi je ne pourrais pas, j’apprécie aussi d'être sans ma compagne, j'aurais je crois la sensation d'étouffer, mais pas eux. Et tant mieux !

dimanche 23 octobre 2011

Aimer.




Texte écrit il y a longtemps, dans une autre vie, un temps où j'ai été très malheureux


On aime quelqu'un à partir du moment où l'on ne supporte pas d'en entendre du mal, des mauvaises choses.
L'autre, l'être aimé, grave dans la tête et dans le coeur une image toute belle qu'il devient hors de question de noircir ne serait-ce que d'une goutellette d'encre noire.
Lorsque l'on supporte d'entendre des critiques à propos de l'autre, même de silence, c'est que l'amour n'existe plus.
J'ai de la chance. Nos amis, les siens, les miens, ne disent que du bien d'Elle. Et si d'aventure ce n'était plus le cas un jour, ils deviendraient autre chose que des amis, ils ne seraient plus mes amis.

Seul chez moi !



Il est très rare que cela arrive : Être seul chez moi. Et ce soir je suis seul chez moi.
Que je sois seul le soir dans mon cabinet, oui, puisque j'y dors deux nuits par semaine, mais que je sois seul chez moi c'est très rare. Ma femme est partie cet après-midi de dimanche... en formation pour deux jours. Partie cet après-midi pour être sur place demain matin.
Et je vais vous dire : Je suis bien, seul chez moi. C'est comme une ré-appropriation de la maison. Par moi tout seul. Vivre un moment chez soi sans l'autre. Ça me fait tout drôle. Non que sa présence me gène -on a passé l'âge de la gène par l'autre et on s'entend assez bien pour être libre avec et en présence de l'autre- mais ça me procure une espèce de griserie particulière. Quand même !
Ma femme (Rhoo ! Que finalement je n'aime pas ce mot ! "Compagne" était si beau), ma compagne, donc, vit seule trois jours et deux soirs par semaine. C'est une habitude, c'est comme ça, mon travail m'éloigne de la maison trois jours par semaine. Elle dit qu'elle vit ça bien. Parfois elle dit que je lui manque. Peut-être est-ce bon dans la vie d'un couple, de se manquer un peu ? Ça donne ou redonne l'envie de se retrouver. Ce soir elle ne me manque pas, je suis heureux pour elle, qu'elle ait pu partir en formation. Je gage qu'elle va découvrir d'autres horizons, d'autres personnes, c'est sa vie à elle, sa liberté, aussi de se permettre de vivre en liberté "ailleurs"...
Alors je suis bien. Je vais manger ce que j'ai envie, me coucher tôt parce que hier soir je me suis couché bien tard because amis à la maison et soirée un peu arrosée. Je vais prendre mon temps, comme on peut le faire lorsqu'on est seul.

Je sais bien que ce plaisir n'est pas partagé par tous ceux et toutes celles qui vivent seul(e)... On envie tous ce que l'on n'a pas. Je n'envie rien du tout ni personne, je savoure, c'est tout. Bises à tous ceux et à toutes celles qui ce soir sont seul(e) et n'aiment pas l'être.

jeudi 20 octobre 2011

Parents séparés : La guerre, parfois !


Les relations entre parents séparés ne sont pas toujours très fair-play, c'est le moins que l'on puisse dire. Ceux qui-n'ont-pas-réussi-leur-séparation (à défaut d'avoir réussi leur union) sont parfois un loup l'un pour l'autre, utilisant les plus basses armes pour se détruire, et les plus basses d'entre elles sont bien souvent ... leurs propres enfants.
Une question revient de temps à autre me chatouiller : Comment peut-on à ce point détester un autre que l'on a tant aimé ? La déception et le colère et même la haine liées à la perte sont à la mesure de l'investissement que l'on avait pour l'objet perdu, mais de là à vouloir détruire l'autre m'est bien étrange et bien étranger.
Alors on voit, dans nos entourage ou en ce qui me concerne, dans mon cabinet, on voit donc des ex-couples se déchirer joliment, utilisant leurs enfants pour ce faire, dans une débauche de moyens bas et même très bas, sans que l'on n'y puisse quelque chose ou du moins pas grand chose...
Je sais, mon introduction est bien longue...
Ce matin un papa m'a appelé au téléphone. Je me suis gentiment garé sur le côté parce que je ne téléphone jamais en conduisant, et ... Et ses enfants avaient fait une telle "crise" hier soir que ce pauvre papa en était tout tourneboulé. Je le connais bien, ce papa-là, pour avoir rencontré ses enfants à plusieurs reprises. Il a obtenu la garde de ses trois enfants, argumentant semble-t-il avec suffisamment de force -puisqu'il a été entendu- que son ex-épouse ne s'en était jamais vraiment occupé, et que maintenant qu'elle voulait vivre sa vie à elle sans lui, il était certainement le plus aimant et le plus stable et le plus "qualifié" pour s'occuper des enfants.
Leurs enfants, comme il est prévu par le jugement de divorce, vont régulièrement (un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, le truc classique, quoi !) chez leur maman. Ils sont heureux-malheureux d'y aller mais y vont ils n'ont pas le choix c'est le juge qui a décidé. En général ils sont heureux de regagner le domicile paternel le dimanche soir. En général ils le disent et le "jouent". Sauf qu'hier soir... Sauf qu'hier soir il y a eu "crise". Tout d'abord incompréhensible par le papa, les choses se sont faites plus claires : Si lui ne dit jamais de "mal" de la maman, celle-ci ne s'en prive pas (paroles des enfants, que j'ai rencontrés). Notre maman dit toujours du mal de notre papa ; Elle nous demande tout le temps ce qu'on fait chez papa ; On doit tout lui dire... Et le papa d'apprendre peu à peu hier soir que... la maman a passé le week-end à lire à ses enfants (5, 8 et 11 ans) l'intégralité des notes échangées avec le juge dans la "guerre" pour la garde des enfants. Enfin, ont dit les enfants à leur père, seulement tout ce que tu avais écrit toi pour nous avoir ! En langage courant, on peut dire que cette maman a tenté tout le week-end de salir le papa.
Je me souviens bien avoir rencontré ces enfants lors de la procédure de divorce. Mandaté par le JAF pour recueillir leur parole. J'ai encore en tête leurs mots, forts, du style Nous on a fait notre choix. Maman ne s'occupe jamais de nous. Maman elle dit que du mal de papa. Papa il est gentil. Et lorsqu'enfin je m'aventurai un jour à leur demander leur projet pour l'avenir, tous les trois ont clairement dit qu'ils voulaient vivre avec leur papa. Dont acte et donc transmis au JAF.
Ce choix dit et fait n'empêche ni la culpabilité, ni le doute, ni les émotions contradictoires, ni ne blinde définitivement contre les sentiments et émotions à venir. C'est sans doute aussi -je n'ai pas tous les éléments- ce qui s'est passé ce week-end. La maman a joué semble-t-il sur le registre de l'émotion, ce qui semble avoir bien "marché". Et ce qui a plongé les enfants, et leur papa, dans une situation impossible.
La question du papa au téléphone ce matin comportait deux volets : Comment lutter contre les propos de la maman ? Et surtout comment faire en sorte que cela ne détruise pas les enfants ?
Lutter contre les propos de la maman ???? Hmmm ! Personne ne pourra empêcher la maman de penser ce qu'elle pense et de le dire, même si à terme cela me semble relever de la maltraitance (l'utilisation des enfants comme armes contre l' "autre") Sans aucun doute il faudra bien qu'un jour quelqu'un le dise à cette femme. Comment faire en sorte que cela ne détruise pas les enfants ? Je crois qu'il faut faire la distinction entre la "crise" (bien compréhensible après un week-end pareil) et la gestion de ces propos sur la durée. Bien que les paroles d'une mère (ou d'un père, cela va de soi que ce n'est pas une question de sexe du parent) soit éminemment importantes pour un enfant, le comportement l'est encore davantage. La relation affective est telle entre ce papa et ses enfants que je crois les enfants capables (même si pas toujours) de s'en tirer sans trop de dommages.
C'est ce que j'ai dit au papa. C'est ce qu'il est qui compte. Ce qu'il dit aussi mais surtout ce qu'il est. Et qu'il doit (ce n'est pas un ordre mais une invitation) être convaincu que les propos de la maman de ses enfants ne l'atteignent pas, lui.
Ces enfants-là, comme d'ailleurs tous les enfants, ont besoin d'un ou de parent(s) fort(s), qui tien(nen)t la route malgré les coups. Il est certes difficile de ne pas être atteint, l'on a peur pour ses enfants, on veut les protéger et il le faut, mais attention à la peur que l'on peut éprouver soi-même face à l'autre. Je sais, en théorie, c'est facile de parler comme cela, mais c'est pourtant les seuls propos que je puisse tenir : Ne pas se laisser envahir par la peur. Avoir confiance. Ne pas laisser l'autre guider nos actes et nos paroles. Il n'y a qu'à ce "prix" que ces enfants, que les enfants, pourront, non ne pas être atteints ou dénigrer la parole de l'autre parent, mais prendre conscience peu à peu qu'un parent n'a pas le pouvoir de détruire l'autre, ni eux-même.
La "crise" de dimanche soir et la panique paternelle du lundi matin sont sans doute passée. Nous sommes jeudi. Le papa ne m'a pas rappelé. La rencontre avec les enfants aura lieu mercredi prochain, comme il était prévu. Il y aura d'autres moments difficiles, d'autres moments de "crise", d'autres paroles agressives, d'autres périodes de doute, voire d'autres épisodes dépressifs, mais je fais le pari que ces enfants-là et ce papa-là parviendront à se "défendre" et poursuivront à se construire malgré les propos blessants d'une maman bien mal dans sa vie !

mercredi 19 octobre 2011

Moment inoubliable : Tu le savais ?

Dans la vie d'un psy, comme, je suppose, dans la vie de tout autre professionnel, il y a des "moments inoubliables". De ceux qui, lorsqu'on s'en rappelle, vous envahissent d'une grande émotion, voire, en ce qui concerne celui d'aujourd'hui, vous procure une immense joie.

L'histoire est la suivante :
Une maman vient me voir un jour, très ennuyée, car son mari est en prison, et elle fait croire à son petit garçon de 7 ans que son papa est parti travailler loin, à Dakar, plus précisément. C'est la seule explication qu'elle a pu donner à son fils quant à l'absence de son père.
Mais Noël arrive, et si la situation est à peu près tenable depuis quatre mois, elle devient proprement intenable à l'approche des fêtes.
-
Mais papa, il va revenir, à Noël ?
- Ben, tu sais, il travaille loin, en Afrique...

Et ce petit garçon accepte cette réponse, pensant, comme dans une certaine imagerie populaire, qu'en Afrique il n'y a que des cases, et pas d'électricité, pas de téléphone, et pas d'internet, bien sûr !

Mais un jour, à la télé, il voit un reportage sur Dakar, là où vit et travaille son papa. Et Dakar, c'est une grande ville, avec des voitures, des ordinateurs, des immeubles.... des tout-ce-qui-met-par-terre-ce-que-maman-lui-a-dit...
Alors ce petit garçon continue à poser des questions, et à proposer des réponses à sa maman.
Dakar, c'est loin, mais si papa travaille, il gagne de l'argent, donc il peut revenir à Noël... Mais s'il travaille vraiment beaucoup, c'est vrai qu'il n'a pas le temps de nous écrire et de venir nous voir à Noël...

Et de mensonges en sur-mensonges (pour confirmer les mensonges), la maman s'est enfermée dans un discours de plus en plus délicat à maintenir.
Elle vient donc me voir, pour que je l'aide à dire à son garçon que son papa n'est pas à Dakar, en Afrique, mais en prison. Il en a pris pour 20 ans... pour avoir abusé de ses deux filles, plus grandes.

Alors je demande à cette maman de venir avec son petit garçon... et les voilà tous les deux, là, assis en face de moi, elle, très anxieuse (on le serait à moins), lui, complètement perdu tant il ne sait pas ce qu'il fait là.

Nous parlons de choses et d'autres, puis du papa, qui "travaille en Afrique"... et, à un moment, j'interpelle la maman... C'est le moment, il faut le lui dire...

(Et j'ouvre une parenthèse... Le sentiment que j'ai à ce moment est celui d'être dans un film. Vous savez, quand, téléspectateurs, nous savons, nous, que la femme qui se promène tranquillement va se faire agresser par le type au coin de la rue... Ce sentiment qu'il y a un "avant" et un "après", ce sentiment que dans quelques instants, la vie ne sera plus jamais la même pour cette dame, et là, en face de moi, pour ce petit garçon...)

Alors la maman se lance :
Tu sais, papa n'est pas en Afrique....  Je ne savais pas comment te le dire...mais........................... il est en prison...............
Le petit garçon est devenu tout blanc, il a regardé sa maman, et... lui a dit, naturellement, avec la force de celui qui sait :
TU LE SAVAIS ?.

Silence. Respect. Interrogation. Secret brisé. Secret partagé. Secret protecteur.... Et larmes de bonheur !

Ce petit garçon savait que son papa était en prison, mais pensait que sa maman ne le savait pas, pensait que sa maman pensait vraiment qu'il était en Afrique... Ils se protégeaient tous deux réciproquement... pour ne pas faire de mal à l'autre...

J'ai demandé à ce petit garçon s'il voulait voir son papa. J'ai téléphoné au juge... et ce petit garçon de 7 ans a pu aller rendre visite à son papa le lendemain à la prison de B...

Ma gorge se noue lorsque j'écris cette histoire. Si dans ma vie de psy je n'avais "servi" qu'à libérer cette parole-là, j'aurais rempli mon contrat.

Car mon boulot, c'est bien cela... aider à faire en sorte que les personnes qui consultent puissent "dire" leurs "choses"...

lundi 17 octobre 2011

Pas d'urgence en psychologie



Il est de coutume de penser et de dire qu'il n'y a pas d'urgence en psychologie. En psychiatrie oui, mais pas en psychologie. Pas d'urgence.
Et pourtant !
Lorsqu'à 17h30, ce jeudi de repos un papa m'appelle en me disant que sa fille-ado menace de se jeter par la fenêtre et que la seule personne à qui elle veut parler avant de ne pas sauter (ou pas) est... le psy qui la "suit" depuis quelques mois, je mesure qu'il y a urgence. Alors, en jean et tee-shirt, comme je suis lors d'un jour de congé, je pars... en urgence.
IL n'y a pas d'urgence en psychologie, mais là il y a urgence. Une jeune fille de 15 ans que je connais bien menace de sauter de la fenêtre et la seule personne à qui elle veut parler, c'est moi.
Que faire ? Que dire ? Pas de téléphone possible. Elle veut me parler à moi en direct, en vrai, elle devant moi et moi devant elle. A côté d'elle !
Tu te dis, là, en tant que psy, que tu n'es pas payé pour de l'urgence, tu te dis que c'est la première soirée que tu vas passer avec ta femme depuis plusieurs jours, tu te dis que bordel je l'ai rencontrée hier et que ça aurait dû aller jusqu'à la semaine prochaine, tu te dis que tu n'es pas responsable de la vie des gens et des gens de la Terre entière, tu te dis que bordel-encore si une fois dans la semaine tu peux passer une soirée avec ta femme c'est quand même bien, tu te dis qu'elle attend cette soirée aussi, et ... qu'il n'y a pas d'urgence en psychologie...
Sauf que même en psychologie il y a des urgences. Sauf qu'en tant que psy tu t'attaches, sauf que en tant que homme tu t'attaches, sauf que quand une jeune fille dit à ses parents Appelez le psy ou je saute eh bien ça devient sérieux, et que quand un parent t'appelle pour te dire ça, eh bien tu ne réfléchis pas très longtemps.
Alors, en pleine préparation d'un super-repas d'amoureux, je suis parti. Après avoir griffonné sur la table un Je ne serai pas là avant je ne sais quelle heure, désolé, urgence au cabinet... je suis parti. 60 km pour rencontrer cette jeune fille en mal de psy, en mal de relation, en mal de je ne sais pas encore bien quoi. Ce que je comprenais, c'est qu'elle était mal. Mal de je ne sais pas vraiment quoi. Mal de vivre. Envie de dire très fort à ses parents son mal. Envie qu'ils sachent à quel point elle allait mal.
Après une heure de discussion, un message de ma femme sur mon tel portable : "OK bon courage bisou". Je lui ai dit -à cette jeune fille- que j'allais m'absenter quelques minutes pour dire à ma femme que je serais sans doute en retard pour le diner -tu parles ! 20h30 à 60 bornes !
Et ça ça l'a fait réagir.
Elle m'a regardé, s'est retournée, m'a parlé du haut de la fenêtre. Je lui ai proposé qu'on aille "en" parler "chez moi", enfin dans mon cabinet, comme en terrain neutre. Elle a accepté, et s'est dite, vidée, a parlé, parlé, parlé... Finalement on n'est pas allé dans mon cabinet... On est resté chez elle. Vous êtes marié ? / Oui,depuis quelques mois / A votre âge, que depuis quelques mois ? / Oui / Parce que vous n'étiez pas sûr de l'aimer ? / Si ! J'étais certain de l'aimer / Alors pourquoi avoir attendu ? Vous devez bien avoir 50 ans (gentille; la jeune fille, "faire" 50 ans -rire !) / Je n'ai pas attendu, nous avons attendu / Pourquoi ? / Le mariage est une étape, peut-être seulement une étape / Oui mais moi je l'aime / Tu l'aimes ? /..............
Et voilà que le problème, enfin, l"un des "problèmes" de cette jeune fille est qu'elle aime un garçon et qu'il lui est impossible de le dire à ses parents ! La seule manière de le leur dire a été ce soir de ... d'en faire un "événement" !
Il est 22 h 30. Je viens de quitter cette jeune fille. Elle est apaisée. Du moins elle le dit et elle le semble. Un peu apaisée !. Elle n'a pas sauté par la fenêtre, c'est déjà ça de gagné.
Il n'y a pas d'urgence en psychologie. C'est ce que l'on apprend en Fac. Sauf que ! Sauf que lorsqu'une jeune fille veut ne parler qu'à SON psy sur le bord d'une fenêtre, même à 18 heures, il peut y avoir urgence... Et je vais vous dire, là une heure après la fin de cette "urgence", je ne regrette rien . Sauf peut-être de n'avoir pas passé la soirée avec ma femme !

Nous nous reverrons, dans mon cabinet, la semaine prochaine. En attendant, si ça va TRÈS mal, elle ira aux urgences de l'hôpital..... Être psy "de campagne", c'est prendre soin non seulement de ses patients, mais d'une communauté toute entière. Enfin ! C'est comme cela que parfois je le vis. Et tout comme c'est le cas pour un médecin, il y a parfois des urgences.

dimanche 16 octobre 2011

vendredi 14 octobre 2011

Aime-moi je t'en supplie





Je me tais pour qu'il m'aime... Je ne dis rien par peur de la blesser... Je l'ai laissé ne pas me respecter... Je fais ce qu'il veut sinon il se fâche... Je passe ma vie à l'attendre, mais je ne dis rien de peur qu'il s'énerve...
Avec ses corolaires : Je m'en veux de l'avoir laissé ne pas me respecter... Je m'en veux de lui laisser faire ce qu'il veut... Je m'en veux de me faire avoir et de ne rien dire...


Eh bien ! On en est capable, d'en faire ou de ne pas en faire, des choses, pour se faire croire que l'autre nous aime ! Capable de mettre en veilleuse ses désirs, de ne plus aller faire de sport le jeudi soir parce qu'il ne supporte pas de passer une soirée seul , capable de se laisser humilier (oui, je sais, je vais dans les extrêmes, mais les extrêmes permettent d'expliquer beaucoup de choses), de se laisser trainer dans la boue, capable de s'assoir près de lui lorsqu'il téléphone, même pendant une heure, simplement parce qu'il ne supporte pas que je fasse autre chose lorsqu'il téléphone [sic], capable de s'interdire bien des choses parce que lui (ou elle, ça marche dans les deux sens) trouve ça con ou que ça ne l'intéresse pas....
Le tourment est toujours le même : L'incapacité à dire JE. Au cas où ça lui déplairait. Au cas où il ferait la gueule. Au cas où il n'aimerait pas que...


J'ai connu et aimé momentanément une femme qui aurait tout fait pour moi... Je crois qu'elle aurait léché le plancher si je lui avais demandé. Elle avait tellement peur que je ne l'aime pas / avait tellement besoin d'être aimée qu'elle s'était très vite transformée en serpillère... Ce n'était plus une femme, que j'avais à côté de moi, c'était une serpillère... C'est peut-être momentanément flatteur, voire agréable, de vivre avec quelqu'un qui fait vos quatre volontés, mais en ce qui me concerne, ça ne me convenait pas... Comment peut-on qualifier l'amour que nous porte une serpillère ? Car à moins d'être pervers, nul homme, nulle femme, ne peut espérer avoir affaire à une serpillère. A moins d'être pervers, personne ne demande à l'autre de se transformer en serpillère...
Mais alors, où est-ce que ça coince, dans ce genre de comportement ?
D'une part il y a des pervers, des comportements pervers, des personnes perverses. Oh ! Pas atteintes de la grande perversion psychiatrique -même si ça existe-, mais de ces petites perversions quotidiennes et j'allais dire banales qui font le quotidien de certains et certaines d'entre nous... Ainsi en va-t-il des phrases du style Tu es libre, tu fais ce que tu veux... Tu décides et je te suivrai... associées à la bouderie voire à l'engueulade si l'autre fait effectivement ce qu'on l'invite, que dis-je, le pousse parfois à faire... Ainsi en va-t-il des désirs que l'on attribue à l'autre (facile de reprocher à sa femme d'avoir voulu une nouvelle voiture alors que c'est monsieur qui voulait une nouvelle voiture... dont l'achat pèse sur les finances familiales !), ainsi en va-t-il des petits clins d'oeil quotidiens aux incompétences ou désintérêts de l'autre...
Ça coince aussi du côté de celui qui subit. Avec toujours la même question : Pourquoi subit-on ? Pourquoi acceptons-nous de subir ? Pourquoi avons-nous si peur du non-amour -de ce que l'on croit être le non-amour- de l'autre ? Pourquoi acceptons-nous de faire la serpillère ?


Les cabinets de psys sont emplis de ces plaintes vis à vis de l'autre, sont emplis de ces culpabilités diffuses quant au respect qu'on ne s'offre plus à soi-même... Comme s'il n'y avait pas d'alternative au Je dois faire la serpillère pour qu'il m'aime. Les murs des cabinets des psys entendent constamment ces Mais si je fais ça il va le prendre mal... Les cabinets des psys souffrent quotidiennement des barrières que leurs patients se mettent à eux-mêmes par peur de «faire du mal à l'autre», par peur du non-amour... Que de suppositions mal gérées !
Et si vous le faisiez ? / Mais il ne va pas supporter / Si vous le faisiez quand même ? / Mais.... / Et si sa réaction n'était que le fruit de votre peur à vous ? Ou de votre incapacité à dire JE ? / Mais.... Et il arrive que mes patients osent faire ce qu'ils n'avaient jamais fait... J'ai fait comme vous m'aviez dit... -parce que j'ai dit des choses, moi ?-/ Et ? / Il a trouvé ça super.... (ça, c'est le mieux !)... Au pire et souvent, il/l'autre/le méchant supposé... n'a rien dit.
N'oublions jamais que les comportements pervers, autoritaires, jaloux, etc... se nourrissent quasi-exclusivement de l'acceptation de l'autre... Et que la seule manière de résister à de tels comportements est de dire JE... ou de fuir.
...Mais j'ai tellement peur d'être seul(e)...

jeudi 13 octobre 2011

Nous sommes comme des livres



L'une de mes grandes amies internautes a laissé sur son profil fa*ceb*ook la phrase suivante : "Nous sommes comme des livres .. La plupart des gens ne voient que notre couverture .. Au mieux ils lisent notre résumé .. Ou bien se fient à la critique que d'autres en font .. Mais ce qui est certain c'est que très peu d'entre eux connaissent vraiment mon histoire..."
Son histoire à elle est son histoire. Sans doute regrette-t-elle de ne pas être comprise dans son histoire à elle, là n'est pas le sujet de mon article, mais cette phrase / citation m'interpelle. Au demeurant, après avoir pourtant longuement fouillé sur le net, je n'ai pas trouvé de qui était cette jolie phrase...

Je retiens que si nous sommes comme des livres, et que la plupart des "gens" ne voient que notre couverture, voire lisent notre résumé, mais que beaucoup n'ouvrent ni ne lisent le livre.
Alors "on" juge. "On" pense, "on" pense et souvent "on" juge. D'autant plus si la vie, celle que l'on mène, ou celle de nos enfants, celle qu'ils mènent, est ... différente, condamnable, différente surtout.
"On" lit la couverture, mais "on" ne lit pas le livre !

Savoir "tout" sur les gens que l'on fréquente serait bien sûr une illusion. Mais c'est une illusion qui nous fait souvent penser et juger. Si cet enfant est ainsi, c'est bien la "faute" de ses parents. Si cette personne se conduit ainsi c'est bien de sa faute (je pense à l'instant où j'écris, à cette scène "épouvantable" vue dans le film d'hier soir, où la femme atteinte de la maladie d’Alzheimer se fait alpaguer par des vigiles qui ne pensent pas un seul instant qu'elle puisse être malade et pas voleuse).

L'illusion, l'habitude, les conventions, les habitudes de pensées... font que l'on prend souvent pour acquis la première ou la quatrième de couverture. Acquis ! Sans aller voir plus loin ce qu'il y a à l'intérieur, sans ouvrir la moindre page du livre.
C'est ainsi que parfois l'on rencontre des gens que nous jugeons inaptes à une véritable relation; c'est ainsi que nous sommes étonnés à la réaction de l'autre (comment comprendre, en "boîte", qu'une jeune fille pourtant présente refuse toute approche masculine si l'on n'a pas la clé de son "livre" : avoir été violée ! (par exemple).

Il est illusoire de vouloir tout lire en l'autre, de savoir tout de l'autre, d'avoir lu tout le livre de sa vie, celle de l'autre (déjà celui de soi est compliqué, alors celui -le livre- de l'autre !). Mais cela semble assez communément admis. Ce qui le semble moins, c'est de penser connaitre à ce point l'autre sans l'avoir "lu".
Les livres des autres nous sont effectivement le plus souvent inconnus. On se contente le plus souvent de la première ou de la quatrième de couverture. Et penser / juger à partir du résumé est une abomination. Qui se joue cependant tous les jours. "On" a entendu dire. "On" sait bien que les jeunes sont tous des prédateurs en puissance. "On" sait bien que un jeune-auto-stopeur-sur-le-bord-de-la-route peut être dangereux, "on" sait bien que cette "nana"-là est "coincée", "on" sait bien que les arabes, les juifs, les noirs, les jeunes, les vieux, les américains, les asiatiques, les jeunes femmes, les vieilles, les hommes... sont tous "comme ça !
Lorsque pour la première fois je suis allé voir mon fils en prison, la personne accueillante de l'association "La maison bleue" m'a dit Vous savez, il y a des gens très bien en prison, j'ai été à la fois soulagé et révolté. Mais bien sûr qu'il y a des gens bien en prison ! Ça tombe sous le sens ! (On peut être un gens bien et faire une connerie condamnable). Et pourtant bien des gens s'offrent le luxe ou la légèreté de penser avec raison (avec toutes leurs raisons) que la condamnation est de mise pour "certaines" personnes venant d'un "certain" milieu..
Des parents parents d'un fils schizophrène sont ainsi accusés d'avoir "schizophréné" leur enfant. Des parents parents d'enfants instables ou irritables ou je ne sais encore se trouvent accusés de fabriquer ce genre d'enfant. Des parents, des gens, tout simplement, sont accusés avec méfiance, parfois même avec méchanceté, quant à leurs comportements...
Je n'excuse aucun comportement déviant ou maltraitant. Je tente seulement d'expliquer et de comprendre. Lorsqu'on ne lit que la couverture d'un livre, lorsque même si on en lit le résumé, on peut penser qu'on connait le livre. Mais c'est une illusion. Seulement une illusion. Seule la lecture du livre en entier peut permettre de le connaitre. Au moins un peu !
Parfois on entend dire Mais c'est la première impression qui est la bonne. Non, ça ne suffit pas. La couverture et le résumé peuvent seulement attirer ou repousser, donner envie de lire ou non. Mais ne suffit pas pour juger et encore moins donner un avis. Et c'est pareil avec les gens. La première impression peut être la bonne, mais peut ne pas l'être. Et en aucun cas l'on peut dire que l'on connait l'autre seulement sur une impression. Et même après avoir lu une partie du livre de l'autre !
Les vieux disent d'ailleurs parfois qu'ils ne se connaissent pas encore tout à fait. (Peut-être est-ce d'ailleurs là l'un des secrets des vieux couples : Avoir encore à découvrir chez l'autre. Comme si avoir lu une grande partie du livre donnait encore envie d'en lire davantage).

L'idée que nous soyons "comme des livres" me plait bien. Un livre, ça se regarde, ça se touche, ça se feuillette, ça se lit, rapidement ou pas. Un livre, ça se sent, ça se découvre, ça se garde -ou ça se jette-, ça se range sur une étagère ou se pose sur la table bien en évidence, de salon ou de nuit. Et puis un livre, c'est comme un "autre", ça se désire.
Le désir d'une rencontre, de la rencontre avec l'autre, dépend certes peut-être de la couverture ou du résumé, mais surtout du désir qu'on peut avoir de la faire, cette rencontre. De la liberté que l'on se donne de la vivre. Et sans doute n'est-ce qu'après avoir commencé à lire l'autre, enfin, le livre, que l'on peut dire qu'on le connait. Au moins un peu !
Ma petite sœur (coucou petite sœur si tu me lis) m'a donné un jour une grande leçon "de vie", en écrivant qu'il ne fallait jamais juger (elle travaille en maison de retraite) les gens, qu'on ne pouvait pas imaginer ce que vivaient les familles, et surtout pas juger, en ce qui concerne certain aspect de son travail, les familles-qui-ne-venaient-jamais-voir-leur-vieux. On est tellement là parfois dans la seule lecture de la première de couverture !

J'ai rencontré hier-même un couple de parents défaits, défaits par la condamnation de l'enseignante de leur fils, un papa meurtri par les paroles de cette dernière, du style Si votre fils n'apprend rien à l'école c'est de votre faute. Zou ! Première de couverture sur la table. Pas de lecture du résumé. Et surtout pas de lecture même de quelques chapitres. L'enseignante n'était pas au courant : La sœur ainée de cet enfant est décédée début aout dans un accident de voiture, ce que les parents avaient "cachés", pris dans leur douleur et souhaitant (ne leur en jetons pas la pierre) vivre "normalement".
C'est aussi là bien sûr une autre facette du livre de notre vie : Le donne-t-on à lire ou pas ? Permettons-nous aux autres, éventuels lecteurs, de nous lire au moins un peu ? Donne-t-on -ou gardons-nous- les quelques clés qui permettent aux autres de nous lire et de nous comprendre ? Décidément, ce parallèle entre humain et livre me plait bien !

mercredi 12 octobre 2011

Le livre changeur de vie



En faisant le tri l'autre matin dans ma bibliothèque, je tombe sur "Le petit prince"... Et puis sur "L'insoutenable légèreté de l'être", de Milan Kundera pour ceux qui savent pas.

J'ai mis ces deux livres sur la table et longuement je les ai regardés. Pas lus, mais regardés. Regardé la couverture. Et rêvé un peu. En me disant que décidément, ces deux livres avaient eu bien de l'importance dans ma vie.

Le petit Prince, je l'ai découvert à douze ans, lorsque mes parents l'ont offert à mon petit frère pour son dixième anniversaire. Oh ! Pas sous la forme Livre, mais sous la forme Disque 33 tours, récit condensé lu par Gérard Philippe. Que d'heures j'ai passées à écouter ce disque ! Combien de fois je ne sais pas. Des dizaines. Des milliers même peut-être. Ce n'est que plus tard que j'ai ouvert LE livre. Et que je me suis aperçu qu'il contenait bien plus de phrases que le disque. Cependant la version Gérard Philippe ne m'a jamais quitté. Et c'est elle que j'ai dans la tête lorsque je lis que l'essentiel est invisible pour les yeux, ou que l'on est responsable de ce que l'on a apprivoisé.
Ce Petit Prince est ancré en moi. Et si parfois dans l'intimité de mon cabinet, seul, je l'écoute, c'est pour m'en imprégner encore et encore. Parce que je l'"ai" toujours en disque, ou plutôt en cassette-audio, et que j'ai toujours un lecteur de cassette que les moins de vingt ans vont se dire Qu'est-ce que c'est bien que ça ? L'essentiel est bien invisible pour les yeux, non ?

L'autre livre qui sans doute a changé ma vie, ou du moins la manière dont je la voyais, percevais et vivais a donc été "L'insoutenable légèreté de l'être", de Kundera. Ce livre m'a été offert par un collègue-psy que j'hébergeais deux nuits pas semaines... Il travaillait avec moi mais la moitié de chaque semaine. Lors de la naissance de mon troisième enfant (épique -pas la naissance mais sa réaction à lui- je vous raconterai un jour) il m'a offert ce livre. L'insoutenable légèreté de l'être. Déjà le titre me plaisait bien. Mais comme je ne lisais pas beaucoup, je l'ai laissé sur mes étagères.... Jusqu'à ce que, deux ans après, juste après la séparation d'avec la maman de mes enfants, je le "retrouve". Et que je le lise. Avidement ! Gloutonnement ! Avec un plaisir immense !
Difficile d'expliquer pourquoi on aime un livre. Mais celui-ci fut une Révélation et je l'écris avec un grand R. L'amour, le sexe, le désir, le plaisir s'étalaient là avec une finesse et une tranquillité déconcertante. J'ai lu ce livre 105 fois (je mets des petites barres en deuxième de couverture). En entier. Et j'y ai puisé à chaque fois ce que l'on peut puiser d'un livre : Des explications. Des intuitions. Des réponses. Des questions aussi mais surtout des réponses. Comme des réponses au grand voyage de la vie.
Ça a été une rencontre. Vous savez, celle qui se produit parfois sans qu'on s'y attende mais qui deux mois avant ou deux mois après aurait été nulle ou aurait pu l'être. Une rencontre entre un écrivain et un lecteur. Comme ça pour rien mais pas sans conséquences.
Lorsque le film est sorti, je suis allé le voir. Bien sûr ! Tout en me demandant comment on pouvait transcrire en images et sons .... un tel livre. Réussi. Pari impossible mais réussi. Il fait parti de mes films cultes, vous savez, CELUI qu'on emmènerait sur une île déserte s'il ne fallait n'en emmener qu'un.

D'autres livres bien sûr ont jalonné ma vie. "Jonathan Livingston le goéland", qui a façonné de manière certaine le prénom de mon deuxième garçon. Sa liberté de penser et de faire ne m'a pas échappé... La vie, quoi ! Jonathan le goéland et le petit prince auraient pu être copains dans la vie. J'imagine leurs longues discussions au pied d'une falaise ou devant une rose, philosophant sur la vie, l'amour, la mort, la Rencontre de l'autre et la liberté.

Je ne ferais par ailleurs pas l'impasse sur les deux miens, de livres. Sans fausse modestie, ils ont de l'importance pour moi, et chaque fois qu'un lecteur m'envoie un petit mot pour me dire qu'il a pleuré, ri, souri à leur lecture, oui, ça me change un peu plus la vie...

Et vous ? Dites moi : Y a t-il des livres qui ont changé votre vie ?

mardi 11 octobre 2011

Ecriture

Texte écrit il y a longtemps, dans une autre vie, un temps où j'ai été très malheureux




L'écriture est morte. L'écriture a perdu son élan de vie.
Ou de mort.
L'écriture était. Elle n'est plus.

Écrire sur commande, est-ce encore écrire ?
Peut-on appeler écriture celle obligée, artificielle ?
N'y a-t-il pas véritable écriture que celle spontanée, jaillissante des entrailles et de la souffrance, comme un cri étouffé et vengeur ?
Est-ce écrire que d'aligner des mots pour faire des phrases et textes ?

L'écriture ne serait-elle pas que l'extérieur de la pensée, du rêve, du futur, qui au fond de soi, inacceptable, ne peut qu'être reconnue que marquée sur papier ?

Donne-t-on vie à sa vie en l'écrivant ou ne traduit-on que son propre sentiment de mort ?
Comme si l'écrit était une preuve, une garantie, celle d'avoir dit, celle du temps.
L'écriture est un fait terrible, qui prétend mettre hors du temps ce qui n'a duré que le temps de l'écrire.

Écrit, c'est écrit.
Quelle puissance ! Impudence ! Impudeur !

Jeter sur papier un morceau de soi, s'en détacher, s'en mordre les doigts.
Perversion à penser que l'on écrit pour soi tout en désirant être lu.

Écriture rature, confiture, éclaboussure.
Écriture mure, dure, tendre.
Écritures. Les Saintes et les impures.

L'écriture est-elle témoin de la peur de mourir, de ne pouvoir vivre ?
Est-elle témoin du désir de vivre ?

L'écriture est un acte étrange.

Prendre un bain


    Qu'est ce qui vous ferait du bien ?, lui ai-je demandé.
    Prendre un bain, m'a-telle dit.
    Prendre un bain ! Quelle réponse !
    Elle a 40 ans, se sent et est sans doute dépressive.

    Depuis quand ne s'est-elle pas fait du bien ? Depuis quand ne s'est-elle pas donné du plaisir ? Depuis quand n'a-t-elle pas pris soin d'elle ? Depuis quand ne s'est-elle pas autorisée à « être bien » ? Depuis quand ????????
    Je ne sais. Depuis longtemps, je crois.

    Je ne sais pas ce qui fait qu'on en arrive un jour à comme s'interdire de vivre bien. Je ne sais pas par quelle magie maléfique on s'enfonce parfois dans le morose, dans le destructeur, dans le morbide. Je ne sais pas pourquoi on tient tant parfois à aller mal, enfin, à ne pas aller bien. Je ne sais pas ce qui conduit à se laisser aller, à ne plus croire en rien, surtout à ne plus croire en soi.

    Ce que je sais, c'est que pour vivre bien, pour vivre mieux, il faut renverser la tendance, il faut penser autrement, il faut PRENDRE SOIN DE SOI ! Il faut s'autoriser à se faire du bien.

     Je pose ainsi cette question à mes clients  Qu'est-ce qui vous ferait du bien ? 
     Ils répondent souvent
Je ne sais pas. Rien. Je ne sais plus faire ça.    
    Et devant mon silence, ils sont embarrassés.
Oui, peut-être aller marcher sur la côte, ou aller faire les magasins... J'aimerais parti une semaine toute seule...

     Elle m'a répondu Prendre un bain ; ça fait bien trois ans que je n'ai pas pris de bain...
    Je lui ai dit Allez-y. Prenez-vous du temps pour vous. Je lui ai presque donné l'ordre de se faire couler un bain, avec de la mousse, de se savonner, de se caresser si l'envie lui en prenait, bref, de SE FAIRE DU BIEN.

    Ah ! On est fort pour faire du bien aux autres. On est fort pour penser aux autres. On est fort pour se sacrifier -oui, oui, se sacrifier ! On est fort aussi pour leur en vouloir, aux autres, de ne pas penser à soi ! Au nom de je ne sais quelle éducation judéo-chrétienne. Au nom du respect des autres !

    Et si nous prenions le temps de prendre soin... de nous-même !
    Et si on se faisait du bien ?
    Et si on commençait par soi ?

    Ça ne veut pas dire Être égoïste. Ça veut dire Être bien avec soi. C'est la première condition pour être bien avec les autres.

    "Charité bien ordonnée commence par soi-même"  dit un livre.

lundi 10 octobre 2011

Attendre !



On a parfois fait comparaison entre le développement de l'Homme / l'Humanité et le développement de l'homme : être humain au cours de sa vie. L'humanité est née nue, ne savait pas grand chose (encore que survivre dans un monde hostile devait demander bien des "connaissances"), a appris au cours de son évolution etc... comme le petit d'homme qui nait nu, grandit et apprend davantage chaque jour.
Les experts nous disent que l'homme s'est redressé peu à peu, l'enfant apprend à marcher vers un an (enfin, c'est l'aboutissement d'un long apprentissage). Le développement du langage chez l'Homme et chez l'enfant suit la même voix... Bref, on peut comparer le développement de l'Homme à celui de l'homme.

Voilà voilà, ne vous impatientez pas, j'en arrive au fait :
Cet été, au cours d'une visite de l'impressionnant site néolithique de Filitosa, en Corse, j'ai pris conscience d'un "truc" : Le guide nous apprenait que ces hommes préhistoriques s'étaient à un moment sédentarisés, et étaient passé de la cueillette et la chasse à la culture et à l'élevage, apprenant du même coup... "la patience et l'attente" [sic]. Bien obligé !
Et là, ça a fait tilt dans ma petite tête : L'évolution de l'Humanité avait donc conduit celle-ci à l'apprentissage de l'attente et de la patience. Comme l'évolution classique de l'enfant !
Je l'ai déjà écrit ici je crois : IL me semble qu'un des grands défis, peut-être même le plus grand défi de l'éducation, c'est l'apprentissage de la patience et de l'attente. Ainsi que l'apprentissage de la frustration associée. Combien de fois disons-nous au cours de notre vie à nos enfants Attends, Pas maintenant, Dans dix minutes, Ne sois pas si pressé, etc... ?
Apprendre à attendre, c'est apprendre à différer la réalisation de ses désirs, c'est apprendre que la dimension "temps" existe, c'est apprendre à vivre, peut-être. Tout simplement ! Bien des actes de "désobéissance" quotidienne sont sous l'emprise de ce "non-apprentissage", bien des actes de petite délinquance aussi : Je veux je prends. Je veux je veux tout de suite. J'ai envie je fais. Pour simplifier, Je ne supporte pas d'attendre !
Le désir humain est ainsi fait qu'il est aussi animal. Mais justement la différence avec l'animal est que l'humain peut apprendre à en différer sa réalisation. Peut. Et sans doute Doit.

Nous vivons dans un monde qui tourne de plus en plus vite. Parce que les humains marchent (enfin ! Courent ! ) de plus en plus, dans lequel l'immédiateté est de mise. L'urgence a pris le pas sur la pause et la réflexion. Agir avant de penser. Agir pour NE PAS penser ? Réaliser avant de désirer, ne pas se laisser le temps d'attendre !
Si des séries comme Urgences plaisent ou ont tant plu, ce n'est sans doute pas par hasard, tant le temps se rétrécit.
A ce propos, savez-vous que le mot "urgence" est finalement très récent ? Si la langue latine le connaissait déjà sous sa forme urgens, dérivant de urgere (presser), le terme n'apparait en France qu'au XVIIIème siècle, mais jusqu'à la fin du XIXème n'est guère usité. Ce n'est qu'au siècle dernier qu'il devient pressant de l'utiliser, comme si urgence il y avait eu à qualifier le rétrécissement nécessaire du temps...
Et cela s'accélère ! C'est comme si le temps n'existait plus, du moins comme s'il s'agissait de s'en affranchir. Or parallèlement, il s'agit de s’affranchir de l'attente. Tout devient urgent. Tout est devenu urgent. Et en thérapie comme sur la route, la demande est d'arriver à destination le plus vite possible.
Il y a parfois difficulté pour le psychothérapeute à faire entendre à son patient que le temps "fait aussi les choses", que le temps existe (même si pour l'inconscient il est admis que non), que la "vitesse" de certaines routes est limitée, qu'on ne peut pas aller plus vite que la musique, les expressions sont nombreuses pour dire ce genre de choses. Le succès des thérapies brèves est à ce sujet éloquent. Comme s'il s'agissait là encore de bloquer, annuler, et pour tout dire maîtriser le temps.
Or cela ne marche pas comme ça ! Le temps existe. Et sans doute nos sociétés tentent de l'oublier. Et cela semble ne pas devoir s'arranger : L'enfant, dans sa quête de plaisir immédiat (fait son boulot, l'enfant) ne trouve plus guère de personnes en face de lui capables de lui dire sereinement Attends, apprends à attendre ! Parce que nous-mêmes, en tant qu'adultes, semblons oublier bien souvent cette vertu du désir qui est celle de prendre d'autant plus corps... qu'il n'est pas immédiatement réalisé.
A vos écrans plats, à vos i-phones et autres gadgets... La course est déjà lancée pour Noël, ce fameux temps où l'attente va bien être reléguée aux oubliettes... Je veux, j'achète. Je paierai plus tard !