"un petit mot sur mon blog"


"un petit mot sur mon blog"

Psyblog a posé son stylo le 5 juin dernier. Il est parti "ailleurs", pour une autre vie plus sereine et lumineuse.
Ce blog était pour lui une belle aventure d'écriture, de réflexion, d'émotion et de partage. Les commentaires de ses nombreux lecteurs en sont un témoignage chaleureux. Vos derniers mots tout particulièrement...
Continuez à le lire ou à le relire pour sa plus grande joie ailleurs...

mardi 31 janvier 2012

SAS

Quand on va visiter quelqu'un en prison, il y a le sas. Le sas ? LES sas. Vous savez, ces endroits entre deux, ces endroits où vous n'êtes nulle part, sinon entre deux quelque part.
Premier sas : La salle d'attente. Je veux dire "la salle d'attente pour être en droit d'attendre". Tu es là, avec plein d'autres qui attendent. Faut pas arriver en retard. Surtout pas. Parce que si t'arrives en retard c'est trop tard. Alors t'arrives un quart d'heure en avance. Et tu attends.
Tu attends que les agents de la pénitentiaire arrivent. Et tu fais la queue. Pour présenter ta carte d'identité et t'entendre dire un chiffre, un numéro, celui de la petite pièce où tu vas rencontrer celui ou celle à qui tu viens rendre visite.
Ensuite tu passes dans le vrai sas, celui qui est fermé à double tour côté rue et liberté, et côté prison proprement dite. 20 ou 30 personnes dans un tout petit espace. On dit un nom. Si c'est le tien, tu y vas. Si c'est pas le tien tu attends qu'on dise le tien. Quand le nom est dit et que c'est le tien, tu enlèves tes blouson, sac, chaussure, ceinture et tu mets le tout dans une machine qui t'avale tout ça et qui te scanne le tout que si ça sonne tu peux pas passer le scanner à ton tour mais en général ça sonne pas alors tu passes et tu récupères de l'autre côté tout ce que tu as laissé dans la machine.
Et nous voilà tous très serrés de l'autre côté de la pièce, autre sas de compression. C'est alors que si tu en as tu déposes le sac de vêtements que tu amènes à celui que tu viens visiter. Et tu attends.
La porte s'ouvre, avec un doux bruit de déclenchement électrique. Et tu te retrouves dans une cour. 20 mètres à parcourir, parfois sous la pluie mais que 20 mètres quand même. Et tu attends. Quoi ? Que le gardien, enfin, l'agent de la pénitentiaire rejoigne le groupe. La porte s'ouvre sur le cinquième sas. Alors tu entres dans une petite pièce toute en longueur. Avec, dans un coin, protégé par de grosses vitres que je suppose blindées, un agent entouré de dizaines d'écrans et de dizaines de talkies que tu peux toi-même regarder les écrans avec vue sur "l'extérieur".
Et tu attends. Et tu entres finalement dans "la prison". Autre petite cour. En fait tu es dans le no man's land, dans le entre deux, entre l'enceinte extérieure et celle intérieure. Pour la première fois tu vois des barbelés, des barbelés très sophistiqués, comme des lames de rasoirs serties sur des fils de fer en rouleau. Tu aperçois au loin deux miradors. Tu te dis qu'en cas de connerie ils doivent pouvoir te descendre au moindre clignement d’œil. Et tu attends encore.
Et tu entres dans une autre salle. Deux tableaux naïfs au mur. Quelques rappels sur du papier défraichi. Du genre Ne pas apporter aux détenus de boissons alcoolisées, du genre que si quelqu'un veut t'aider et se réclame du "Chemin du bonheur" (non Joelle je sais que c'est pas toi) c'est l'église de scientologie qui cherche à te recruter, du genre qu'il ne faut pas cracher par terre et bien se laver les mains pour ne pas transmettre des maladies.... Du genre.
Et là tu as tout le temps de lire. Tu as tout le temps d'attendre. Parce que, à moins de faire partie du premier groupe de visiteurs, tu attends... Tu attends que les détenus visités avant celui que tu vas visiter soient fouillés, des fois que malgré les multiples sas ils aient pu recevoir de leur visiteur un quelque chose d'interdit. Alors pendant que tu attends, les visiteurs d'avant attendent aussi. De l'autre côté de la vitre qui nous sépare dans la même pièce.
Une fois que les détenus visités avant ont tous été fouillé ("au corps", comme on dit et que j'imagine à peine ce que c'est, même si je sais qu'ils doivent entièrement se déshabiller), leurs visiteurs se voient libérés... dans la même salle que les visiteurs dont tu fais partie. Hooo... pas en même temps. Il a fallu avant que les portes s'ouvrent vers nos visités à nous et que la porte vers le "patio" se referme. Le patio, c'est un petit jardin de... 20 mètres carrés, avec des arbres et des buissons et des cannettes de bière et des détritus que tu te demandes comment ils sont arrivés là... Le patio donc, est au centre d'un couloir d'une vingtaine de cabines où tu vas enfin pouvoir rencontrer celui que tu es venu visiter.
Là tu entres dans la cabine du numéro qu'on t'a donné lorsque tu as remis ta carte d'identité dans le premier sas, pardon, le deuxième. La première fois, lors de ta première visite, tu es tellement stressé que tu as oublié ton numéro mais bon, les agents sont là, aimables pour te le re-donner.
Et enfin, enfin après une demie-heure/ ¾ d'heure d'attente et de passage de porte et de passage et sas et d'angoisse si tu es claustro... tu rencontres enfin celui que tu es venu voir, celui que tu aimes, celui qui est là, enfermé.
9 mètres carrés. Une table. Trois chaises. La lumière extérieure venant du hublot de toit. Un peu de vie à travers des peintures, des dessins sur les murs et quelques graffitis d'enfant ou d'épouses désireuses de laisser une trace... et deux hublots, l'un donnant sur l'intérieur de la prison proprement dite, l'autre sur le "patio".
Et une demie-heure pour dire ta peine, la sienne, la vie, les regrets, l'affection, l'amour, les larmes, la colère, ... et bien d'autres choses encore qui te semblent ridicules une fois que tu es sorti de là.

Et le détenu ressort. Et tu attends. Et tu passes dans le patio. Et tu te retrouves dans la dernière salle, séparé de ceux qui vont à leur tout visiter leur amour, leur fils, leur papa, leur copain... et tu attends... Tu attends ce que tu sais seulement quand tu y es : Que chaque détenu ait été fouillé et "blanchi"... Alors seulement tu peux sortir dans la petite cour / no man's land avec les barbelés en forme de rasoir. Les uns rient, d'autres sont graves, baissent la tête ou regardent le ciel. Souvent gris le ciel, même si objectivement bleu. Les  enfants continuent à jouer. Ça fait sourire les adultes. Heureusement qu'ils sont là, les enfants !
Et tu te retrouves dans la petite cour. Tu ne sais pas qui est emprisonné là... Il y a des grilles, des visages aux fenêtres derrières les grilles. Des visages de jeunes garçons, ai-je pu constater souvent. Tu entres assez rapidement dans le dernier sas. On te rends ta carte d'identité, tu prends éventuellement le sac de vêtement à laver que ton détenu visité t'a laissé... et tu attends. Tu attends que chacun ait récupéré sa carte, ses vêtements, éventuellement les choses qu'il n'avait pas le droit d'amener dans l'enceinte de la prison et ... tu sors. L'air. L'air libre. La liberté.
Tu vas à nouveau dans le premier sas récupérer ce que tu as laissé dans les casiers (cigarettes, clefs de voiture, téléphone...) et zou... tu files... tu files rejoindre ta voiture en te disant que c'est un mauvais rêve. Tu viens de passer trois heures hors du temps pour une demie-heure avec celui que tu aimes... et tu reprends ta voiture. Tu regardes le soleil ou les nuages ou les arbres comme si tu les découvrais pour la première fois, tu t'allumes une clope en te disant que même si t'en allumes cinq d'un coup personne te dira rien, tu vas au Casto ou au Casino ou dans n'importe quel magasin du coin et tu achètes une connerie en prenant conscience que tu as le droit de le faire, tu vas t'acheter un sandwich parce que tu en as envie même si t'as pas faim... et en regardant le mur de la prison, tu te dis que tu ne supporterais pas d'y passer ne serait-ce qu'une semaine.
Et alors tu as envie de vivre. Et tu te dis que la vie, vaut mieux en prendre soin. Et tu te prends à penser que celui que tu viens de visiter est décidément un pauvre con. Et tu te prends même à penser que même ceux que tu aimes tu peux les traiter de cons. "Petit" peut-être mais con quand même ! Et tu te prends à penser que même si tu sais la nécessité de l'incarcération des hors-la-loi, quand elle concerne l'un de tes enfants, ça te fait mal...
Pour voir et parler avec mon garçon, je dois et il doit accepter que j'en passe matériellement 9, de sas ! Et 9 pour le retour ! Et vendredi dernier, comme pour la première fois, cela m'est apparu insupportable, insurmontable. Au point que je ne sache pas ce jour si je serai capable d'y aller à nouveau. Même si je sais je j'y retournerai. Parce que c'est mon fils et qu'il est certainement plus en souffrance que moi et que je suis son père, quoi qu'il ait fait.

Positivement (et je sais être positif même si paradoxalement je sais aussi être très pessimiste), je me dis que les sas (étrange ce mot ! Sas, sasse?, ressasser...) sont aussi des passages. Des couloirs, des passages encore, vers "autre chose", vers du mieux on peut l'espérer. Comme un quelque chose entre deux états... Le sas peut être une traversée du désert, comme on le dit pour les artistes, les politiques, les tout-un-chacun qui perdent pied à un moment de leur vie. Mais ce peut être une traversée du désert salutaire, de celle qui permettent la résurrection, la rencontre, le mieux, voire le bien...

vendredi 27 janvier 2012

jeudi 26 janvier 2012

Liberté sous contrôle !

Mon garçon reste en prison. Ainsi en a décidé le juge après sa demande de mise en "liberté sous contrôle judiciaire".
Un an qu'il y est. Un an qu'il attend son jugement. L'instruction est close depuis presque six mois. Je suis meurtri, blessé, désemparé par ce qui s'appelle La Justice.
J'ai toujours défendu la même chose : Tout acte délictueux, toute infraction à la règle, qu'elle soit celle de la République ou celle au sein de la famille, de l'école ou partout ailleurs est sanctionable et doit être sanctionné. C'est à ce prix que la société et tout groupe constitué peut fonctionner. Mais j'ai toujours défendu par ailleurs que la sanction, non seulement doit être proportionnelle à la "faute", mais aussi le plus rapproché de celle-ci dans le temps. On ne punit pas un enfant un mois après qu'il ait désobéi.
Un jugement, de fait, se doit, se devrait d'intervenir dans un délai raisonnable. Je sais, le temps de la Justice n'est pas le temps réel, comme le temps d'une psychothérapie peut-être. Et cependant je m'étonne et je me questionne et je me colère : Pourquoi faire attendre un détenu ? Pourquoi et comment se fait-il qu'un jugement ne soit pas mis en œuvre alors que l'instruction judiciaire est terminée depuis six mois ?
Cela vient s'ajouter à tout le reste. L'humiliation en détention (fouille au corps après chaque visite extérieure, paiement exorbitant pour la télévision, le beurre, le papier-toilette, le un-peu-de-plus-que-le-minimum, pas de travail, pas d'occupation....) est permanente. Double-peine. Détention + humiliation. Le détenu qui n'a pas la "chance" -parce que c'est une chance, croyez-moi- d'avoir une famille attentionnée n'a rien, n'est rien, n'est plus rien. J''insiste, n'A rien, ou si peu.
Mon garçon me disait il y a un mois : Au début, la prison ça te sert de leçon, mais au bout d'un moment, ça ne fabrique que de la haine et de la colère. Mon fils est en prison depuis plus d'un an. Je dirais presque "de manière arbitraire" depuis six mois. Nous sommes en 2012, en France, et le droit d'êtres humains n'est pas respecté. Ça me dégoute. Ça me ... fera voter encore plus fort bientôt.
Peu importe ce qu'il a fait, peu importe ce qu'ont fait tous ces détenus... certains voient leurs droits les plus élémentaires bafoués (Ne pas disposer de l'intimité la plus élémentaire est une peine épouvantable). Non je n'ai pas dit que l'on avait le droit de faire n'importe quoi, non je ne dis pas qu'il ne faut pas sanctionner, non je n'oublie pas l'infraction, ni la peine et la souffrance des victimes et de leurs familles, je militerais seulement volontiers pour que la peine soit juste et pas "double". Emprisonnement dans la dignité.
Et puis cette histoire de "liberté sous contrôle" judiciaire me fait bien sourire lorsque j'y pense hors-situation personnelle et seulement vis-à-vis des mots et du concept. Comme si la liberté pouvait être sous contrôle. Non, il y a liberté ou il n'y a pas. De la même manière qu'une femme est enceinte ou ne l'est pas (Moui je suis un petit peu enceinte -parce que seulement de deux mois-, me dit une jeune fille un jour).

Enfin bref... Maintien en détention, jugement à venir -quand ?-. Et détresse d'un papa et d'une famille, non par rapport à la détention d'un fils d'un frère ou d'un neveu -encore que oui bien sûr-, mais détresse du fonctionnement d'une Justice qui se dit pourtant juste...

lundi 23 janvier 2012

Changement de lunettes

La façon dont on regarde la vie change la vie.
Oui, je sais, c'est une évidence. Enfin, si pour certains ça semble l'être, ça ne l'est pas pour beaucoup d'autres.
Il ne suffit pas, en effet, de chausser des lunettes roses pour voir la vie en rose, ni de mettre des lunettes bleues pour voir la vie en bleu... Il ne suffit pas.
Et pourtant combien de fois mettons-nous nos lunettes à verres noirs ?

C'est encore, bien sûr, la symbolique du verre à moitié plein et du verre à moitié vide. Il semble que nous oubliions trop souvent qu'il s'agit du même verre. Et que les représentations que nous avons de la vie se comportent comme les lunettes que nous mettons le matin. Il pleut... c'est une sale journée qui se prépare ou Il pleut... ça va faire du bien à la terre et aux plantes ? Au visage si l'on court sous la pluie, aux nappes phréatiques qui en ont bien besoin...?
Il pleut. Autant s'en réjouir. Du moins ne pas s'en rendre malheureux !

Mon premier devoir de philo, en Terminale, fut "Il vaut mieux prendre la vie avec philosophie. Commentez". En pleine tourmente post-adolescente, j'avais réussi à réfléchir à ce sujet tout à fait correctement puisque la note de 14/20 m'avait été attribuée, la meilleure de la classe. (Je n'en étais d'ailleurs pas peu fier, moi à qui le prof de français répétait depuis deux ans que je ne saurais «jamais penser ni écrire correctement» (sic))... Prendre la vie avec philosophie... Facile, lorsque les roulettes de la vie sont bien huilées ! Un peu plus difficile lorsque la vie et ses roulettes se grippent. Et pourtant ! Et pourtant c'est sans doute un état d'esprit qu'il est possible d'apprivoiser. En posant les choses, en retournant le verre et en mettant d'autres lunettes que celles qui nous font voir la vie en gris, voire en noir... J'irais même jusqu'à dire "retourner les choses pour qu'elles soient jolies".

Lorsque mon amie Yolande est morte -non non, ne soyez pas triste pour moi, c'était il y a deux ans-, ce fut triste, ce fut triste pour elle, qui avait sans doute encore des choses à faire et à dire sur cette terre. Ce fut triste pour ses filles et son mari, pour ceux et celles qui l'aimaient et qu'elle aimait. Ce fut triste mais ce fut ainsi. Et au-delà d'une tristesse très liée à l'absence de l'autre et au sentiment d'abandon et à bien d'autres encore, nous avons les uns et les autres vécu autre chose : Le partage, le lien extraordinaire entre ceux qui s'aiment, l'union, la liberté d'être et la liberté des êtres... La fin de sa souffrance, bien sûr.
Non, il ne faut pas que les gens que l'on aime meurent pour vivre de telles émotions d'amour, non il ne faut pas que les gens qu'on aime souffrent pour s'apercevoir des liens qui existent et les mettre en "jeu". Mais lorsque ça arrive, remercions-les de nous donner, aux uns et aux autres, l'occasion de dire notre affection.

Une histoire belge (ou plutôt, française à propos des belges) dit que le belge a deux verres sur sa table de nuit, l'un vide et l'autre plein "parce que des fois il a soif et des fois il n'a pas soif". C'est une autre façon de penser le verre à moitié vide et celui à moitié plein.

En fait, non seulement pouvons-nous apprendre à regarder la partie pleine du verre, mais encore pouvons-nous apprendre à le remplir nous-même. Et peut-être ainsi cesserons-nous de nous lamenter sur la partie vide des verres...

Moralité : Si l'on chausse des lunettes noires, on est certain d'aller dans le mur. Si l'on en chausse des roses ou des bleues ou des pas teintées du tout, on s'offre au moins la chance de l'éviter. Le mur !

mardi 17 janvier 2012

Nuage de mots

Grâce à un logiciel emprunté sur le blog de Christophe André, ce petit nuage des mots les plus utilisés sur mon blog.

Sans surprise, les mots PARENTS, ENFANTS, DIRE, DEMANDE, NON, BIEN, DIT, et AUTRE sont écrits en plus grands car sans aucun doute les plus utilisés. Le mot SÉDUIRE écrit en très grand m'étonne cependant. Mais bon ! C'est sans doute un mot que j'utilise souvent...

Voici l'image produite par ce logiciel étonnant (enfin, moi il m'étonne) :



 Et merci à ma tendre épouse qui m'a bien aidé...

lundi 16 janvier 2012

Demander ou affirmer ?

Elle me dit A chaque fois que je lui demande il me dit NON. Je lui réponds que si elle demande, elle s'expose de fait à un NON possible. Elle me dit Mais si je ne demande pas je n'aurai pas. Je lui suggère qu'il il y a peut-être une autre façon de faire (pour "avoir" ce que l'on souhaite). Elle me dit Alors il ne faut plus que je demande ? Je lui dis que ce peut être une solution. Elle me rétorque que Alors je ne demanderai plus et je n'aurai plus rien. Je lui dis alors qu'il est pas question qu'elle n'"ait" plus rien, mais de peut-être elle peut s'y prendre différemment.

Je rencontre bien des femmes qui sont "soumises" à leur mari. Oh ! Pas soumise par pression, par violence ou maltraitance, mais soumise par habitude. Et par peur. Peur ? Oui peur, peur. Peur du NON. Peur de prendre le risque qu'il dise NON, peur d'être désavouée, rejetée, non-aimée. Soumise par construction psychique, de celle qui projette sur le mari et "l'autre" en général leurs propres peurs... de ne pas être aimée. Et qui les fait demander alors même qu'elles savent qu'on va leur dire NON.

Demander, c'est s'exposer, disais-je plus haut, à ce que la demande ne soit pas exaucée. C'est se placer en-deçà de celui ou celle à qui l'on demande, non que la demande soit sens d'affaiblissement et de soumission, mais de fait demander c'est se soumettre à l'autre. Et c'est accepter de fait la réponse de l'autre. Ce qu'oublient bien des parents d'ailleurs... Vous avez tous vécu cela. Pour exemple :
- Tu veux de la soupe ?- Nan, je veux pas de soupe.
-  Si, tu dois prendre un peu de soupe.
- Non, je veux pas.
- Bon alors va te coucher, T'es toujours pareil, tu veux rien de ce qu'on te propose et na na na et na na nère...
Non. Sans blague... Vous demandez à votre gamin s'il veut de la soupe ou vous voulez l'obligez à manger de la soupe ? Si vous voulez absolument qu'il mange sa soupe, ne lui demandez pas.

C'est pareil avec les maris, les femmes, les patrons, les voisins et tout et tout. Si vous "demandez", vous vous placez de fait dans l'obligation d'accepter la réponse de l'autre.

Ma patiente, depuis des années, depuis tout le temps, est dans la demande. Elle imagine même que son mari puisse prendre plaisir à lui dire NON (vacances, lieu des vacances, sorties, restau, etc...). Mais nom de non... Il ne prend pas plaisir à lui dire NON mais elle lui donne ce pouvoir. Alors pour peu qu'il n'ait pas envie, il dit NON, puisque  il sait que son NON passera.
Il y a quelques temps, elle lui a dit (bravo la thérapie !), pas demandé mais dit ! qu'elle allait au Mont Saint Michel, qu'elle aimerait qu'il vienne avec elle mais que s'il ne venait pas elle irait quand même. Eh bien devinez quoi ? Il n'y est pas allé avec elle. Mais quand la fois suivante elle lui a dit qu'elle s'offrait une semaine de vacances à Biarritz et qu'elle aimerait qu'il vienne avec elle mais que s'il ne venait pas elle irait quand même (bravo la thérapie !), il a dit Ok je pars avec toi. Alors que jamais en trente ans de mariage il n'avait dit OUI à l'une de ses "demandes".

En matière d'amour, ou du moins d'affection, il n'est guère correct de parler "stratégie", et cependant, même en matière amoureuse, des habitudes s'installent, des rancoeurs s'installent, mais des habitudes surtout. Et quand on a l'habitude de demander et de s'entendre dire NON, on finit par ne plus demander.

L'on en vient alors à l'affirmation de soi.
Bien souvent, pour s'affirmer, on affirme que ses demandes. Et l'on s'étonne ensuite parfois que nos demandes ne soient pas satisfaites. Et si cela dure, on en veut à l'autre de ne pas satisfaire nos demandes, et on s'en veut à soi-même de ne pas avoir été capable de dire simplement les choses ou de les affirmer. C'est je crois ce qu'a compris ma patiente ce soir... Qu'au lieu demander, il valait mieux dire ses désirs. Au risque que "l'autre" ne les suive pas, mais au moins au risque qu'il les suive. Il ne s'agit pas d'écraser l'autre, de le soumettre à son tour comme on a le sentiment d'être ou d'avoir été soumis(e), mais simplement de dire ce que l'on veut.
Dire. Pas toujours demander...

Petit moment d'humanité

Sas d'entrée de la prison vendredi après-midi. Passage sous le scanner. Fouille d'une des visiteuses. Ambiance très tendue parmi les visiteurs. Regards bas. Sourires, non, pas de sourires, même crispés. Silence de mort. Pas gaie, l'ambiance, vendredi 13 janvier.
Et une femme enceinte, "très enceinte", même, fait "sonner" le scanner. Qu'avez-vous sur vous ? demande l'agent pénitentiaire. Sur moi, rien. En moi, oui répond la jeune femme enceinte. Sourires dans la salle. C'est pour quand ? demande gentiment l'agent. Pour mars répond la femme. Mais vous êtes très...  / Oui mais j'en attends deux, termine la femme très très enceinte. Sourires francs dans la salle.
Moment d'humanité tendre dans un sas où sont rassemblés ceux qui vont rendre visite à un fils, un frère, un père ou un copain... en prison.

Je suis toujours aussi mal à l'aise, je me pose toujours un tas de question sur ces visites, sur ces gamins de parfois même pas un an et sur ceux de 7, 10 ou 15 ans qui se retrouvent dans cet univers étrange. En ce qui concerne cette femme enceinte, ces deux petit(e)s vont naitre sans leur papa, cette femme va accoucher sans son homme. Il y en a qui décidément démarrent dans la vie avec moins de "chances" que d'autres. Et ce petit garçon, l'autre jour, lors d'une autre visite, qui demande à sa maman Quand il va sortit papa ? / Je ne sais pas répond sa maman / Ah ben alors on pourra encore venir le voir ici et jouer avec lui sur la petite table. Mais il n'y a pas le droit d'amener des jouets. Alors j'imagine qu'ils parlent, qu'ils parlent, qu'ils parlent. Un parloir c'est fait pour cela : Parler. Se toucher. Faire l'amour même, même s'il y a de grands hublots par lesquels les gardiens ne passent jamais le regard. Parce qu'ils savent que les couples profitent aussi de ces moments de mauvaise intimité pour se toucher...
Les petits ont été faits dans le parloir, me dira la maman enceinte plus tard...
Étrange moment d'humanité dans un monde étrange.

jeudi 12 janvier 2012

Séduire !

Un petit oiseau dont je ne connais pas le prénom (suis pas très doué en oiseau) s'égosille depuis trois jours perché sur un arbre au fond de mon jardin. Je l'admire, enfin ! J'admire sa persévérance. Il chante à tue-tête pour attirer la femelle (oui, bon, j'imagine que c'est un mâle – il n'y a que les mâles pour chanter ainsi le besoin d'une femelle). Et il chante, et il chante !
J'ai bien tenté de repérer quelques phrases, mais bon, suis pas un oiseau alors je ne comprends pas grand chose à son message, sauf qu'il semble dire Viens, viens, je vais te...Je suis le meilleur pour te faire.... Bon, vous imaginez le reste.... Mais ça doit bien être un message précis. Pas encore vu de autre oiseau s'approcher, mais ça ne saurait tarder.

Et je pense aux humains, seule espèce animale pour laquelle les pratiques de séduction sont... bien aléatoires.

Les paons font la roue et paradent. Les pigeons se roucoulent et se tournent et se retournent. Les guépards se tournent autour. Les chats se regardent en émettant des cris de bébés et sont capables de rester immobiles (avant) pendant un bon quart d'heure. Les singes ? Non, ça vaut pas, les singes en général y'en a un qui a le droit et que lui et les autres quéquette si j'ose dire... enfin, tous, toutes les pratiques d'approche, de séduction et d'accouplement (allons-y) sont programmées... sauf sauf sauf chez l'espèce humaine.
Entre la drague à la lourde dans la boite de nuit et l'approche tendre qui dure trois ans dans le même espace de bureau, entre le Tu as de beaux yeux tu sais et le Vous prendriez bien un dernier verre chez moi, entre le Vous vivez seul(e) ? et le J'ai envie de vous, il y a de la marge. Et elle n'est pas claire, la marge.
Autant le pigeon et la pigeonne savent à quoi s'en tenir même s'ils font tout un tas de simagrées pour faire croire qu'ils ne le savent pas (au passage et pour info, les couples pigeons font partie des couples les plus fidèles de l'humanité, enfin ! du règne animal), autant ils n'ont sans doute pas idée de ce à quoi la séduction les engage... Bon ! Faut pas exagérer, un cerveau de pigeon n'est pas celui d'un humain. Faut pas exagérer !

Ceci dit. L'humain est quand même un exemplaire un peu spécial du règne animal en matière de séduction. Lisez donc les petites annonces, et même ce qui n'y est pas écrit. Blonde, grand, intelligente, avec du fric, avec de gros seins, une belle bagnole, une belle écriture (quoi ? Ça ne vous fait rien à vous, une belle écriture ?) , des parents sympas (alors que faut pas croire mais les pigeons ils n'en ont rien à faire, des parents de leur compagne/on à venir), hanches larges qui font penser à ... tsss... non pas au plaisir mais à la capacité d'avoir des enfants...
Enfin bref... La séduction, chez l'humain, ça dépend de tout un tas de choses : Séduire pour baiser, séduire pour fonder une famille, séduire pour faire quelque chose ensemble, séduire pour se rassurer, séduire pour se faire croire que, séduire pour dominer, séduire pour être dans le cadre social, séduire pour travailler, mettre en forme un projet, séduire pour l'argent, séduire pour... aimer, séduire pour être aimé, séduire pour....
Alors que chez tous les autres animaux, il ne s'agit de séduire pour QUE pour se reproduire.
On est quand même vachement fort nous les humains. On séduit pour un tas d'autres raisons. C'est pour ça que c'est si compliqué ! Et puis c'est pas pour dire, mais une fois qu'on a séduit... faut garder ! Enfin, ça dépend pourquoi on a séduit. Si on a séduit pour une nuit, pas la peine de tenter de garder. Ni même de séduire, peut-être.

Mais vous n'êtes pas obligé de me croire !

mardi 10 janvier 2012

L'éducation... Quel truc quand même !


Freud, poursuivi par Dolto et bien d'autres l'ont bien dit : Quoi que l'on fasse en tant que parents, on le fera mal. En d'autres termes, l'éducation est un truc impossible, une gageure absolue, un pari fou.
On met on monde un enfant avec tout le désir que l'on a de et surtout pour lui. Au mieux. En se disant qu'on ne fera pas comme nos parents. Pour sûr parfois ils ont "raté" notre éducation à nous. Alors on va faire autrement. Nous on sera différents, on sera de bons parents, enfin !, mieux que nos propres parents. Nous on parlera avec nos enfants, on les entourera d'affection, ce qui fera de ceux-ci des enfants et plus tard des adultes corrects, à défaut de "modèles". Nous on réalisera ce que nos parents et tous les parents du monde n'ont pas réussi.
Heureusement que l'on pense comme cela ! Heureusement, sinon on ne "ferait" pas d'enfants. Heureux aussi que des parents puissent avoir un projet éducatif pour leurs enfants ! C'est une des "interrogations" des parents adoptifs (J'ai été psy au service adoption du Conseil Général) : De quoi vous mêlez-vous de savoir si on peut élever un enfant ? Ce à quoi je répondais en tant que psy chargé de donner mon avis sur la procédure d'adoption, que si tous les parents se posaient sérieusement la question d'un "projet éducatif", le monde irait peut-être un peu mieux, tant on fait parfois des enfants sans projet.
Ceci dit, projet ou pas, nos enfants ne nous appartiennent pas. Nous, parents, nous faisons ce que nous pouvons, avec a priori les meilleures intentions du monde, avec notre histoire aussi, avec nos blessures, nos rancœurs, nos envies, nos envies de réparation, nos envies de faire bien, voire de faire mieux.
Alors parfois, et ce n'est ni une question de revenus ni de condition sociale, les enfants font, deviennent, prennent des voies qui ne sont pas celles que nous avions souhaitées, désirées, voulues pour eux.
Je revendique le droit d'élever ses enfants comme on le souhaite. C'est une des libertés qui nous restent. Seule la maltraitance est interdite. La question est cependant de savoir ce que l'on fait lorsque nos enfants "dérivent"...
La procédure mise en place par certaines collectivités territoriales consistant à recevoir les parents en mal d'éducation ou tout simplement en mal avec leur enfant "dérivant" me parait intéressante. Aider, mais ne pas condamner. Aider sans condamner. Aider sans juger. Seulement reconnaitre auprès de parents démunis qu'ils sont démunis face à la dérive de leur enfant. Et que ce n'est pas forcément de leur "faute" (ce qui, au passage, reconnait la responsabilité de l'enfant dans le jeu de sa propre vie).
Il serait malappris ou inconscient celui qui confierait aux parents la seule responsabilité des dérives de leur enfant. Nous pouvons les entourer, les cajoler, les aimer, en être fier, les accompagner, il y a bien un moment, glissant le moment mais un moment quand même, où non seulement nos enfants nous échappent mais où il est impératif qu'ils nous échappent. Parce qu'ils doivent vivre leur vie à eux !

lundi 9 janvier 2012

Coup de pub

Oui, je sais, c'est la deuxième fois en un mois, mais aujourd'hui je voulais filer un coup de main à une amie, une vraie de vraie amie en vrai, qui a des mains (oui, un coeur aussi) en or : Mon amie Brigitte.


Brigitte aime coudre, fabriquer, fignoler des plein de petites choses en tissus et autres matériaux mous / souples, du doudou au cœur en passant par les cocottes et autres petites étoiles.
Brigitte vient de créer un blog -Oh, encore balbutiant- pour montrer et pourquoi pas un jour vendre ses réalisations.


Alors voilà, je voulais vous en faire part, c'est ici  et c'est aussi dans la colonne de droite (Rêve Et Passion).

Merci monsieur


Il est arrivé avec sa mère, l'air renfrogné. Ils sont entrés tous les deux dans mon cabinet... Elle a parlé. Lui non. L'air renfrogné. Il a dit plusieurs fois qu'il ne dirait rien. Qu'il ne dirait rien et d'abord qu'il ne voulait pas venir ici. Qu'il en avait déjà vu des psys. Que jamais ça n'avait servi à quelque chose et que d'abord la psychologie ça sert à rien.
Le tableau clinique est impressionnant : 14 ans, gros, renfermé, pas de copain, scolarité nulle, de toute façon à partir de demain je ne vais plus à l'école, aucune activité sauf la télé, silence en famille, aucune participation à la vie familiale, silence, silence, silence et enfermement dans un mur de souffrance solitaire.
Il coupe la parole à sa mère, dit ne pas pouvoir parler avec son père, ni vouloir parler avec tous les psys chez qui on m'amènera...
Car des psys, il en a vu. Des vieux, des jeunes, des femmes, des hommes... des... pffff ! Des !

Parfois, souvent même, à l'occasion de tel ou tel échec ou ce que je peux considérer comme des échecs, je me demande si je suis un "bon" psy. Pfff ! Je serais bien en peine de définir ce qu'est un bon psy et pourtant !
Et pourtant après une demie-heure de dialogue de sourd, de dire et de silence, de coupage de parole agressif et d'écoute, je propose à ce garçon renfrogné et apparemment pas disposé à rester avec moi de... "m'offrir cinq minutes de sa vie", en plus clair vu ses yeux ronds, de se et me permettre de rester seul avec moi pendant cinq minutes qui, si elles n'allaient peut-être pas bousculer sa vie, allaient me permettre de lui dire ce que moi j'avais compris de sa souffrance. Et il a dit Oui. Sans conviction mais il a dit Oui.
Seul avec moi. Seul face à moi. Je lui dis que je crois que je sais sa souffrance, que si je ne la comprends pas je l'entends et la sais. Il lève peu à peu les yeux. Passe du renfrogné à l'écoute. De l'écoute au dialogue, et lorsque au bout de cinq minutes je lui dis que c'est lui -"parce qu'il n'a pas deux ans mais douze et que c'est lui qui est à même de décider"- qui va décider s'il veut ou même s'il veut seulement bien qu'on se revoit à nouveau pour "parler de tout ça" il me répond OUI, je me dis que je suis que j'ai réussi à ouvrir un peu oh un tout petit peu la porte vers sa liberté à lui.

Le Oui a été franc. Net. Pas une fois, pas deux, mais ok il était d'accord pour qu'on se rencontre cinq fois et après on verra. Lorsque sa mère, invitée ensuite à entendre ce OUI-là, m'a dit qu'elle avait quelques difficultés financières et qu'une fois par semaine ce serait difficile pour elle, il lui a dit qu'il avait lui aussi de l'argent et qu'il paierait la moitié des consultations, je me suis dit qu'il avait "gagné", ce garçon. Qu'il y croyait, que le contact qu'il avait entendu avec moi était sérieux. Que peut-être (et sans dénigrer les autres psys) il rencontrait celui en qui il voyait une chance et un désir de changement.

Trop souvent les ados sont portés-tirés-poussés par leurs parents. Ils veulent bien mais sans plus. Le désir ne vient pas d'eux mais de leurs parents. Je reste convaincu que donner à l'enfant/l'ado le pouvoir de décision et celui au final de décider de leur thérapie est un gage de "réussite", pour peu que l'on puisse parler de réussite quant à une psychothérapie. Je suis convaincu qu'il faut parler aux ados (pour tout dire, j'en veux aux psys silencieux) et que la seule attente de l'expression de leur désir est souvent voué à l'échec. Je suis convaincu aussi que l'on doit parfois désirer à leur place, quoi qu'en disent les psy engoncés dans leurs principes. Je suis convaincu que tout en gardant ma casquette de psy, il est nécessaire d'être vrai et tendre et compassionnel avec ceux qui souffrent.
L'on ma laissé entendre, enfin, ce que l'on m'a dit de mon travail il y a quelques semaines m'a profondément atteint : Un patient "mécontent" m'a dit que je n'étais pas psy. Pas psy véritablement. Je me suis posé plein de questions fin 2011, me suis remis profondément en cause. Eh bien je dis que oui je suis psy. Et que si j'ai pu entrer en contact avec un ado renfrogné et disant que la psychologie ça ne sert à rien, eh bien je suis psy. Terre à terre peut-être, sans grandes théories, mais capable au grand dam de certains, de me rouler par terre avec des enfants, de parler vrai avec un ado, et de faire en sorte et sans démagogie aucune qu'un ado soit d'accord, et non seulement d'accord, mais ait envie, de travailler avec moi.

Ce garçon, en descendant l'escalier, s'est retourné vers moi, et dans un silence émouvant, m'a dit Merci monsieur. Et je trouve ça génial ! Et je me dis que tout psy que je suis j'ai le droit de trouver ça génial.

mardi 3 janvier 2012

Souvenir.... Le film d'un accouchement en classe Terminale


L'éducation sexuelle à l'école n'est pas toujours "bien" faite. Voire pas du tout faite.
Cet après-midi, un ado (14 ans, c'est un ado, n'est-ce pas ?) me dit Je n'y connais rien, je ne sais rien, je ne sais pas où trouver les informations (éducation pré-suppose information). Et des souvenirs remontent brutalement à la surface.


Tout petit déjà j'ai su comment on faisait les bébés. Tout petit je savais que les bébés ne poussaient pas dans les choux ou dans les roses. Ma mère m'avait expliqué -joli livre très bien fait à l'appui- vers cinq ans les histoires des petites graines, de ventre et d'accouchement (dommage que je n'ai pas mon appareil-photo, je vous aurais mis une photo du livre, que j'ai encore), en me disant que c'était secret, qu'il ne fallait pas trop en parler à l'école parce que certains parents n'expliquaient pas les choses comme ça à leurs enfants (Hey, on est en 1962, là).
J'ai donc grandi avec cette certitude-là de savoir des choses que les autres ne savaient pas. Et donc "tranquille" en matière de sexualité, du moins en matière de bébés et de fabrications de bébés.


Mais le souvenir qui m'est revenu cet après-midi est d'un autre ordre : Classe Terminale. 1975. Education sexuelle oblige, proposition -Que dis-je ?- obligation un jour de se rendre dans l'amphi pour visionner.... un accouchement.
Une centaine de garçons, trois filles (la mixité n'était pas encore la règle en lycée, du moins commençait tout juste), les copains avec leurs lourdes blagues plus ou moins salaces, et le film commence. Cru. Médical. Mais plein de tendresse et d'amour aussi.
Dire que les copains n'avaient aucune éducation en matière médico-anatomico-obstétricale n'est pas un scoop et je n'avais pour ma part jamais vu ni de près ni de loin un accouchement même en film, mais j'ai accueuilli ce film avec tendresse et bonheur, me faisant au passage traiter de certains qualificatifs désobligeants et très désobligeants pour les filles et pour les femmes en général. Les copains sortaient de l'amphi les uns après les autres, estimant à grand bruit que cela était inintéressant, que cela ne concernait pas les hommes (qu'ils coyaient être), qu'ils n'en n'avaient rien à faire, etc... Je ne me privais pas pour ma part de leur dire qu'un jour ils seraient peut-être papa et.... Pfff ! Peine perdue. Comme si devenir papa un jour n'était pas dans leur pensées ! Et puis c'était pas viril, ça, de s'attendrir quelque peu sur quelque chose d'ordre affectif.
Moi je tenais bon. Certaines images me... comment dire, me ... me... dépassaient un peu, mais je laissais couler quelques larmes d'émotions sur mes tites joues. Jusqu'à ce que mon copain Philippe, assis à côté de moi, me prenne le bras et me dit Psyblog, je me sens pas bien. Il a eu juste le temps de me dire ça et a tourné de l'oeil.... Mince alors, juste quand le bébé sortait du ventre de sa mère !
J'ai appelé dans la salle, crié que Philippe n'allait pas bien. Des infirmières, prévues pour un débat/questions-réponses pour après le film, sont venues, ont emmené Philippe et Zou ! J'ai raté la fin du film et une grande partie du débat.
Alors bien sûr Philippe s'est fait traiter de tous les noms par la suite (par ceux-là même qui ont quitté la salle par incapacité d'attendrissement ou de je ne sais quoi d'autre). Moi aussi. Mais en plus, j'ai "gagné" la possibilité d'aller revoir le film (et voir la fin) .... au lycée d'à côté la semaine suivante. Oui oui, celui-là même où il n'y avait QUE des filles ! Un vrai bonheur !
Ceci dit, ce film et le débat qui a suivi fut un vrai régal. Je ne savais pas encore que moins de deux ans après, j'allais le vivre en vrai en devenant papa à mon tour !